L'inquiétude grandit chez les apiculteurs américains après la disparition mystérieuse de millions d'abeilles ces derniers mois.
Cette hécatombe menace la production nationale de miel et nombre de récoltes qui dépendent du rôle clé de pollinisation joué par ces insectes.
Les pertes d'abeilles vont de 30 à 60% en Californie et dépassent 70% dans certaines régions de la côte est et au Texas. Au total, 24 Etats sont touchés ainsi que deux provinces canadiennes, selon des estimations du département américain de l'Agriculture (USDA).
Une dépopulation d'une ruche allant jusqu'à 20% pendant l'hiver est considérée normale mais au-delà, les apiculteurs s'émeuvent d'autant que les colonies d'abeilles domestiques sont en constante diminution depuis 1980 aux Etats-Unis.
Selon l'USDA, il y a actuellement 2,4 millions de ruches dans le pays, une baisse de 25% depuis le début des années 80 tandis que le nombre d'apiculteurs professionnels a été divisé par deux pendant la même période.
L'ampleur de cette dernière vague massive de disparition d'abeilles jugée sans précédent a conduit la filière apicole américaine à demander l'aide du Congrès lors d'une récente audition à Washington.
« Environ 40% des abeilles de mes 2.000 colonies sont mortes et c'est la plus forte mortalité observée dans mes 30 ans de carrière d'apiculteur », a expliqué la semaine dernière à une sous-commission agricole de la Chambre des représentants, Gene Brandi, président du groupement des apiculteurs de Californie.
Les abeilles domestiques sont essentielles pour la pollinisation de plus de 90 variétés de fruits et légumes (pommes, avocat, myrtilles, cerises,...), des récoltes estimées à 15 milliards de dollars par an dont six milliards pour la Californie seule, a-t-il souligné.
La culture d'amandes dans cet Etat engendre deux milliards de dollars de revenus et dépend de 1,4 million d'essaims d'abeilles amenées tous les ans de partout aux Etats-Unis par des apiculteurs, a précisé Gene Brandi.
Diana Cox-Foster, professeur d'entomologie à l'université de Pennsylvanie, a expliqué devant la même sous-commission que ce nouveau trouble de dépopulation massive des ruches baptisé CCD en anglais (colony collapse disorder) présente des symptômes uniques, différents de ceux observés dans les infestations fréquentes par le parasite varroa jacobsoni, un acarien qui détruit les larves.
Dans le cas du CCD, les colonies d'abeilles domestiques saines se dépeuple soudainement laissant peu ou aucune abeille survivante, a-t-elle dit.
Les reines sont trouvées avec une poignée de jeunes abeilles adultes en présence de réserve importante de nourriture. Il n'y a jamais de cadavre d'abeille à l'intérieur de la colonie ou à proximité à l'extérieur.
Le fait que d'autres abeilles ou des parasites mettent très longtemps à venir s'installer dans les ruches vidées par le CCD laisse penser à la présence d'un produit chimique ou d'une toxine qui décourage ces insectes, selon Diana Cox-Foster.
Enfin, a souligné cette entomologiste, les abeilles trouvées dans les colonies dévastées par ce mystérieux fléau, étaient toutes infectées avec une multitude de micro-organismes, dont un grand nombre est connu pour être responsables de maladies communément liées au stress chez ces insectes.
Les scientifiques qui se penchent sur le CCD avancent l'hypothèse de l'émergence d'un nouveau pathogène ou d'un produit chimique qui affaiblirait le système immunitaire des abeilles, a-t-elle dit.
Ils soupçonnent surtout les insecticides comme les néonicotinoïdes très utilisées et dont la toxicité pour les abeilles est bien connue, a relevé l'entomologiste.