« Aux Etats-Unis, il y a un mouvement très vif pour développer l'agriculture biologique et l'agriculture durable », a affirmé Carol Kramer-Leblanc, directrice du développement durable à l'USDA (ministère de l'Agriculture américain), lors d'une conférence-débat sur les enjeux de l'agriculture durable à Paris jeudi.
Récemment, le ministère de l'Agriculture américain a publié une déclaration indiquant qu'il s'efforce de parvenir à un équilibre entre la satisfaction des besoins humains, l'amélioration de la gestion des ressources naturelles, la viabilité économique de l'agriculture et l'amélioration de la qualité de vie des acteurs ruraux.
Cet essor est relié aux enjeux de santé publique. « 17 % des enfants de 2 à 17 ans sont obèses ou en surpoids, et ça augmente, a souligné Carol Kramer-Leblanc. Après avoir investi énormément dans les grandes cultures d'exportation pendant des années, nous voulons maintenant encourager la production locale, notamment de fruits et légumes. »
En France, « on faisait déjà énormément de choses avant le Grenelle, mais il y avait une nécessité de prendre en compte l'environnement dans les politiques publiques », a rappelé Eric Giry, du ministère de l'Agriculture français.
Après les craintes et réticences au sujet du Grenelle, « les agriculteurs l'ont d'autant mieux accepté que l'acte de produire a été réhabilité », a expliqué Christiane Lambert, première vice-présidente de la FNSEA, soulignant qu'il faut parfois plusieurs crises – telles que les émeutes de la faim – pour que les choses changent.
Pour une agriculture économiquement durable, les relations avec la grande distribution sont à remettre à plat. « 83 % des produits alimentaires sont achetés en GMS, on ne peut pas faire sans eux, a souligné Christiane Lambert. Mais le forcing permanent du "toujours moins cher" a montré ses limites, notamment avec les crises sanitaires. Il y a une chaîne alimentaire plus vertueuse à reconstruire. »
« La durabilité concerne toute la chaîne, du producteur au consommateur, qui est limitée par son pouvoir d'achat, a rappelé Eric Giry. L'équation est compliquée, car la durabilité des uns n'est pas forcément la durabilité des autres. C'est pourquoi nous voulons, déjà, redonner de la visibilité aux acteurs à travers un cadre contractuel, et redonner du pouvoir de négociation aux producteurs qui sont les premiers metteurs sur le marché. »
Pour éviter les distorsions de concurrence avec nos voisins, une harmonisation des règles à l'intérieur de l'UE semble cependant incontournable. Mais pour être mieux écoutés lorsqu'ils pointent les distorsions de concurrence, les agriculteurs doivent « montrer tout ce qu'ils font de bien », a insisté Christiane Lambert.
« L'aspect contrainte prime quand on parle d'environnement, d'où une grogne des agriculteurs, qui est perçue par le grand public : c'est un système perdant-perdant », a regretté Gilles Maréchal, directeur du Forum européen pour l'agriculture raisonnée (Farre). Il espère que la nouvelle Pac enclenchera une logique positive, où les pratiques favorables à l'environnement seront reconnues, voire rémunérées.
Sur le verdissement de la Pac, la vice-présidente de la FNSEA a prévenu que « le diable sera dans les détails », qui demeurent à ce jour inconnus. Mais elle espère le passage d'une conditionnalité subie à une récompense pour les engagements environnementaux. « S'il est agronomiquement intelligent, le verdissement sera compris, a-t-elle assuré. L'agriculture est déjà en marche sur ces aspects-là. Et le meilleur carburant, c'est la reconnaissance. Si les bonnes pratiques des agriculteurs étaient mieux reconnues, il y aurait peut-être plus de mobilisation. »