Usure du pouvoir ou abus de celui-ci? Après avoir été l’homme fort de l’Argentine durant six ans, l’ancien président Néstor Kirchner a perdu les élections législatives du 28 juin. Ce revers est interprété par la majorité des analystes politiques comme un vote sanction contre l’homme qui a défié le secteur agricole en disant qu’il allait mettre ses représentants «à genoux».
Devenu la bête noire des producteurs argentins, Néstor Kirchner a augmenté le niveau des taxes sur les exportations agricoles à maintes reprises. Son épouse, Cristina Kirchner, qui lui a succédé à la présidence de la République à la fin de 2007, a ensuite maintenu le gel des prix du lait et de la viande bovine payés aux producteurs.
En mars 2008, outrés par une nouvelle augmentation des taxes, les producteurs se sont révoltés en barrant les routes du pays sud-américain pendant quatre mois. Le gouvernement mené par le couple Kirchner intervient sur les marchés au nom de la défense du pouvoir d’achat des consommateurs. Mais ce faisant, il freine la croissance du principal secteur de l’économie argentine, lequel est structurellement tourné vers l’exportation.
La sécheresse historique qui touche l’Argentine depuis 2008 n’arrange rien. Les producteurs ont gagné la sympathie de nombreux concitoyens, même citadins, lesquels ont sanctionné leurs dirigeants politiques.
Il n’a échappé à personne que les principaux vainqueurs de ces élections, les opposants Julio Cobos, Francisco de Narváez et Carlos Reuteman, ont tous défendu la cause des producteurs face à un gouvernement qui a qualifié ces derniers de «riches rentiers monopolisant les terres cultivables du pays pour nourrir les Chinois et le bétail européen».
Il est vrai que le modèle agricole argentin pousse les fermiers à se consacrer à la monoculture du soja et exclut les moins fortunés du système. Mais finalement, ce sont les producteurs qui ont été écoutés en dénonçant ces taxes comme «une extorsion de l’Etat».
L’opposition s’est unie à leur cause et bien lui en a pris: le gouvernement a perdu le contrôle du Parlement. Celui-ci devrait donc prochainement se prononcer sur la baisse, voire la suppression des taxes sur les exportations agricoles dont dépendent largement les caisses de l’Etat argentin.