accueil  Accueil / Actualités / Crise alimentaire: l’ouverture américaine et européenne ne résoudrait pas le problème des PVD (Inra/Cepii)

Crise alimentaire

L’ouverture américaine et européenne ne résoudrait pas le problème des PVD (Inra/Cepii)

Publié le vendredi 30 mai 2008 - 18h11

    • agrandirla taille du texte
    • reduire la taille du texte
    • imprimer

La crise alimentaire actuelle et le blocage des négociations agricoles à l'OMC mettent en cause les politiques agricoles européennes et américaines, accusées de nuire aux pays en développement. «Leur impact est pourtant difficile à mesurer, du fait de la complexité de la protection agricole et de la grande diversité des produits», souligne Christophe Gouel, économiste au Cepii (Centre d'études prospectives et d'informations internationales) et à l'Inra.

Dans la lettre d'avril du Cepii, les économistes rappellent que les réformes successives ont contribué à réduire les prix d’intervention de sorte que, avec le niveau élevé des prix de ces dernières années, les subventions aux exportations ont été diminuées, voire supprimées. De plus, en cas de signature d’un accord à l’OMC, toute subvention à l’exportation devra être supprimée d’ici à 2013. «Il reste que la protection des marchés agricoles de l’Union européenne (UE) est encore relativement forte, avec un droit de douane moyen de 18,5% tandis que, de leur côté, les Etats-Unis peuvent se prévaloir d’une moindre protection à l’importation, avec un droit de douane moyen de seulement 7,9%», tempère le document.

Le Cepii a analysé l’impact de la libéralisation commerciale de 700 produits agricoles et agroalimentaires. Les mécanismes sont les suivants: lorsqu’un pays abaisse ses droits de douane, le prix domestique (taxes comprises) du bien importé diminue. Avec un prix plus faible, la production intérieure diminue tandis que la demande augmente. Du fait de l’ouverture, celle-ci s’adresse davantage aux marchés mondiaux, ce qui tend à faire monter le prix mondial. Le Cepii précise que les résultats s’interprètent comme la situation qui aurait prévalu en 2004, en l’absence de barrières agricoles européennes et américaines.

Ainsi, pour l’ensemble des pays en développement, le Cepii évalue le coût des protections agricoles à la frontière à cinq milliards de dollars en termes de bien-être, équivalant à des gains potentiels de 0,08% en cas de libéralisation. Ces effets sont globalement faibles, mais très différenciés par pays. Le Brésil bénéficierait, à lui seul, de la moitié des gains, avec une augmentation de 0,55%. Un tiers des 26 pays ou groupes de pays en développement inclus dans la simulation seraient perdants. A l’exception du Malawi et de l'Ile Maurice, ce sont tous des pays importateurs nets de produits agricoles. Les barrières européennes et américaines existantes limitent certes leurs exportations, mais elles tendent à faire baisser les prix mondiaux, ce qui bénéficie à leurs importations.

Cependant, pour la plupart de ces pays, la perte qu’entraînerait une libéralisation est faible, inférieure à 0,1%. Les effets de la libéralisation sur les flux d’échanges et sur les revenus des agriculteurs de ces pays sont beaucoup plus importants. Le commerce agricole des pays en développement vers l’UE et les Etats-Unis augmenterait de 50% (+49 milliards de dollars). Du fait de la hausse tant des volumes exportés que des cours mondiaux, la rémunération des agriculteurs augmenterait, de 1% dans les pays à revenu faible (Inde, Vietnam…) à 3% dans les pays à revenu intermédiaire supérieur (Brésil, Afrique du Sud…).

«Tout se joue sur quelques produits, assure Christophe Gouel. En cas de suppression des barrières douanières, les importations supplémentaires des Etats-Unis et de l'UE se concentreraient sur très peu de produits. De même, pour chaque pays en développement pris individuellement, c’est sur quelques produits seulement que portent tous les changements.»

L’essentiel de l’augmentation des exportations agricoles des pays en développement vers les Etats-Unis et l’UE porterait sur trente produits agricoles (soit 4,5% des lignes tarifaires). Les huit premiers produits concentrent plus de 50% de la hausse des échanges dans le cas de l’UE. Dans le cas des Etats-Unis, c’est plus de 80%.

Ces produits sont ceux qui font face aujourd’hui à des niveaux de protection très élevés et qui sont souvent l’objet de contingents tarifaires. C’est sur eux – la viande bovine, le sucre ou la banane – que se cristallisent nombre des tensions commerciales internationales. Ces conflits concernent souvent la répartition des gains entre pays en développement, les exportations brésiliennes notamment risquant de supplanter, à la faveur de la libéralisation, celles d’autres pays plus pauvres.

Ces résultats sont importants du point de vue des négociations en cours à l’OMC. «Comme pour les produits industriels, l’amélioration de l’accès aux marchés agricoles est fondée sur des formules de coupes tarifaires, explique Jean-Christophe Bureau, professeur à l'Inra et chercheur au Cepii. Cependant, afin d’introduire la flexibilité nécessaire pour parvenir à un accord, tous les pays membres seraient autorisés à établir une liste de produits sensibles pour lesquels l’ouverture du marché resterait limitée (par exemple, les réductions tarifaires seraient moins fortes et interviendraient sous forme de contingents tarifaires)».

Ainsi, suivant la proposition Falconer (médiateur agricole à l'OMC) de février 2008, les pays développés pourraient définir une liste de produits sensibles représentant entre 4 et 6% des lignes tarifaires. Comme l’indiquent les résultats du Cepii, c’est au moins 75% des gains potentiels d’une libéralisation totale des marchés agricoles américain et européen qui risqueraient d’échapper aux pays en développement. «Cela signifie que le véritable enjeu des négociations agricoles de Doha ne se trouve pas dans la formule de coupe tarifaire qui sera appliquée à l’ensemble des produits agricoles, mais bien dans la sélection et les coupes tarifaires des produits sensibles. Une réduction tarifaire faible appliquée aux 4% de produits sensibles suffirait à annuler la plupart des gains attendus de la libéralisation», précise Jean-Christophe Bureau.

Enfin, l'analyse du Cepii montre que les produits les plus protégés par l'UE et les Etats-Unis – ceux qu’il s’agit de libéraliser et dont les prix mondiaux pourraient augmenter – sont la viande, les produits laitiers et le sucre. Or, «ces produits ne sont pas au coeur de la crise alimentaire, fait remarquer l'économiste. Pour les populations des pays pauvres, l’enjeu est avant tout lié aux produits de base: riz ou blé, dont le commerce et les prix mondiaux ne seraient que marginalement affectés par une libéralisation des marchés européens et américains».

A.D.


Ces articles peuvent également vous intéresser :

Dernières Actualités
Archives agricoles


SERVICES EXPERTS

>Première inscription

Je suis déjà inscrit :
Mon identifiant :
Mon mot de passe :  
| Aide |
puce Identifiants oubliés ?
puce Toutes les offres d'abonnement
> Feuilletez un ancien numéro

SONDAGE

Santé animale : avez-vous enregistré des cas d'antibiorésistance dans votre élevage ?

> Tous les Sondages
Les sujets
LES PLUS LUS

Archives de
La France Agricole

Recherchez

dans les archives de la France Agricole et

Feuilletez

les numéros depuis 2004

Suivez La France Agricole :
la France Agricole sur Facebook La France Agricole sur twitter La France Agricole sur Google +

Nos offres d'abonnement
simples ou couplées,
à nos publications
hebdomadaires
et mensuelles

> Découvrir nos Offres

Les publications du Groupe France Agricole
En poursuivant votre navigation sur notre site, vous acceptez l’utilisation de cookies afin de nous permettre d’améliorer votre expérience utilisateur. En savoir plus et paramétrer les traceurs. OK