« La plupart des ministres ont accueilli favorablement les mesures annoncées », a déclaré le président en exercice du conseil des ministres de l'Agriculture de l'UE, Fernand Etgen, à l'issue de la réunion informelle du 15 septembre à Luxembourg. Réunion qui a précisé le plan d'aide de 500 millions d'euros (dont 420 millions sous forme d'aides ciblées par pays) en faveur des éleveurs dans les secteurs du lait et de la viande porcine annoncé le 7 septembre 2015 à Bruxelles. De toute façon, la proposition n'était pas refusable...
Aide « ciblée »
Seule l'Autriche a affiché sa désapprobation : « proposition déséquilibrée, insuffisante », « clé de répartition » des enveloppes par pays « pas claire »... Il faut dire que le pays se voit attribuer une enveloppe de seulement 7 M€ pour aider ses éleveurs laitiers, soit 1,6 % du total, alors qu'il a payé un très gros surprélèvement lors de la dernière campagne. Il estime ne pas avoir récupéré beaucoup (pour rappel, l'argent du superprélèvement finance une bonne partie des 420 millions d'euros) et aurait souhaité que les critères d'accès à l'aide « ciblée » tiennent compte des zones défavorisées.
La Pologne regrette aussi la faiblesse de l'enveloppe qui lui a été accordée (28,95 M€). Pour elle, le critère « sécheresse » n'a pas été suffisamment pris en compte alors que la sécheresse a sérieusement entamé les coûts de production en renchérissant le prix de l'alimentation dans le prix du lait. Dans une moindre mesure, l'Italie et la Belgique, ont aussi émis des critiques sur certaines mesures ou sur le montant des aides ciblées.
La plupart des Etats membres saluent la flexibilité qui leur est offerte pour redistribuer les aides à leurs éleveurs. « Le paquet produira des effets que si la flexibilité est assurée », a souligné Fernand Etgen. Si la France a choisi de renforcer son plan actuel par des fonds supplémentaires (mais pas de nouveau dispositif), les Pays-Bas utiliseraient ces aides plutôt pour un abattage avancé des porcs, les Allemands pour des prêts préférentiels aux agriculteurs, selon des exemples cités par une source proche du dossier.
Les aides ciblées doivent être adoptées par la Commission via des actes délégués (Conseil et Parlement ont deux mois pour contester ou accepter cet acte).
Mesures de marché
Plusieurs pays, comme la France, l'Irlande, la Belgique, le Portugal, l'Italie ou l'Espagne, ont estimé qu'il fallait évaluer le besoin de nouvelles mesures de marché. Ces pays ont relancé l'idée d'augmenter (de manière temporaire) le prix d'intervention dans le secteur du lait. Mais la Commission est contre, de même que plusieurs pays dits libéraux, comme le Royaume-Uni, le Danemark ou les Pays-Bas. La Pologne a estimé aussi que ce n'était pas le moment pour relever le prix d'intervention. « Il y a une meilleure solution que le prix d'intervention, le stockage privé », a martelé Phil Hogan, commissaire à l'Agriculture.
L'Irlande, la France et l'Espagne ont salué les améliorations apportées au système de stockage privé dans le secteur du lait et de la viande porcine. Le Portugal a insisté sur le besoin de réfléchir à un mécanisme alternatif au système des quotas de production (qui ont expiré le 31 mars 2015). De son côté, l'Italie a jugé trop faible son enveloppe pour le stockage privé de fromage. La Belgique aurait préféré des mesures plus structurelles que l'aide au stockage de viande porcine, comme l'abattage précoce des porcelets. Les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont évoqué le besoin d'une réflexion à long terme sur la restructuration des filières du lait et du porc.
Les nouvelles règles sur le stockage privé doivent être adoptées via des actes d'exécution (après un vote en comité de gestion de l'UE).
Avances sur paiements Pac
La plupart des pays ont là encore salué la flexibilité de la Commission qui autorise le versement d'avances après les seuls contrôles administratifs (même si les contrôles sur place ne sont pas terminés). L'Allemagne et le Royaume-Uni réclament une simplification à long terme sur le versement des aides. De son côté, la Hongrie a réclamé un pourcentage plus élevé que 70 % d'avances sur les aides directes.
Aides d'aides (« de minimis »)
Plusieurs pays, comme l'Italie, la Pologne et surtout la Finlande, ont demandé davantage de flexibilité pour verser des aides nationales au-delà des plafonds de minimis prévus (15.000 € sur trois ans). La Commission va évaluer la possibilité d'autoriser les pays qui le souhaitent à fournir une aide nationale complémentaire pour augmenter le soutien au titre des aides ciblées, a répondu Phil Hogan. Mais les pays libéraux sont très réticents sur le versement d'aides d'États.
De leur côté, les agriculteurs ont continué de mettre la pression sur les dirigeants européens : après la démonstration du 7 septembre à Bruxelles, quelques centaines d'entre eux ont manifesté dans le calme, avec une cinquantaine de tracteurs, devant le bâtiment européen où étaient réunis les ministres de l'Agriculture à Luxembourg. Ces producteurs de lait belges du syndicat European Milk Board (EMB) ont traversé la frontière au petit matin, avec barrage filtrant et distribution de tracts, avant d'arriver à Luxembourg, selon la police. Lundi, des manifestants avaient retardé une visite de certains ministres dans une ferme de la campagne luxembourgeoise.