Le biocarburant E10 fait son entrée mercredi dans les stations-service françaises, mais avant même son lancement, il suscite déjà les critiques des pétroliers et des écologistes.
Carburant composé à 90% d'essence sans plomb 95 et à 10% d'éthanol, l'E10 est censé contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. Il fait paradoxalement l'unanimité contre lui dans les milieux écologistes.
«Ca n'a aucun sens écologique et en plus, ce n'est pas rentable économiquement», assure Sébastien Godinot, de l'association Les Amis de la Terre.
Les défenseurs de l'environnement dénoncent l'agriculture intensive, gourmande en engrais et pesticides, à l'origine de l'éthanol et pointent les fortes quantités d'eau et d'énergie nécessaires à la fabrication et au transport.
Le biocarburant E10 est «une arnaque pour le consommateur et pour l'environnement», estime la fédération France nature environnement (FNE, 3.000 associations). «Utiliser des plantes alimentaires pour remplir l'estomac des voitures plutôt que celui des hommes ne permet pas de répondre aux dérives de l'agriculture intensive et à la faim dans le monde», s'insurge Sébastien Genest, président de FNE.
«L'impact pour l'environnement n'est même pas intéressant», abonde Raphaël Claustres, du Comité de Liaisons Energies renouvelables (CLER).
Ce réseau d'associations, d'entreprises et de collectivités locales milite pour limiter les agrocarburants à la distribution locale d'huiles végétales pures, nécessitant moins de transport et de transformation. Il propose en outre de promouvoir des carburants alternatifs tels que le biogaz ou les biocarburants de 2e génération.
En première ligne pour le lancement de l'E10, les compagnies pétrolières ne sont pas plus enthousiastes. L'augmentation de la part d'éthanol dans l'essence va augmenter les excédents d'essence qu'elles ont de plus en plus de mal à exporter vers les Etats-Unis.
«D'un point de vue strict, l'incorporation d'éthanol à l'essence n'est pas favorable au raffinage français», reconnaît ainsi Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières.
Face aux difficultés techniques de distribution de l'E10, de nombreuses compagnies traînent les pieds et le nouveau carburant pourrait mettre près d'un an avant de faire son apparition dans les pompes les plus reculées.
Loin de ces crispations, les betteraviers saluent au contraire un «lancement très attendu» qui offre un nouveau débouché à leur filière. «Nous espérons devenir le leader européen de la production d'éthanol», se réjouit Alain Jeanroy, directeur de la confédération générale des planteurs de betteraves.