Le gouvernement allemand veut interdire l'exploitation du gaz de schiste au moins jusqu'à 2021, prenant acte d'une résistance forte dans l'opinion publique à la fracturation hydraulique.
« Il n'y aura pas en Allemagne de fracturation hydraulique de gaz de schiste à des fins commerciales dans un futur proche », a affirmé vendredi la ministre de l'Environnement Barbara Hendricks. Avec son confrère à l'Economie et l'Energie, Sigmar Gabriel, social-démocrate comme elle, Mme Hendricks a défini les principaux axes de la législation à venir sur ce sujet très épineux, sur lequel le gouvernement précédent s'était cassé les dents.
La défiance est très forte en Allemagne à l'égard du « fracking », nom anglais de la fracturation hydraulique. Le procédé consiste à créer des fissures souterraines et y infiltrer un mélange d'eau, de sable et de produits chimiques, pour permettre l'extraction de gaz capturé dans la roche.
Les inquiétudes se focalisent sur la pollution que pourraient causer les substances chimiques utilisées, notamment dans la nappe phréatique.
Mais l'industrie milite pour donner sa chance au gaz de schiste. Elle y voit la possibilité, comme aux Etats-Unis, de faire baisser ses coûts énergétiques parmi les plus élevés d'Europe, et de réduire la dépendance aux importations d'énergie, un argument porteur en ces temps de crise ukrainienne.
Une remise en cause sanitaire
Les ministres concernés « prennent les inquiétudes de la population très au sérieux », a affirmé Mme Hendricks, « la protection de la santé et de l'eau potable ont priorité absolue ». Ils veulent donc fermer la porte au « fracking » de gaz de schiste, comme c'est le cas en France.
« Les projets de fracking de gaz de schiste au-dessus de 3.000 mètres seront interdits », précise le texte. L'essentiel des réserves de gaz de schiste de l'Allemagne se trouve plus haut que cette limite, selon des estimations.
En 2021, un rapport doit faire le point sur « l'état des connaissances et des technologies » et le législateur se pencher à nouveau sur la loi. D'ici là, des tests seront autorisés sous conditions.
L'association de protection de l'environnement Bund a qualifié de « petit pas dans la bonne direction » les projets du gouvernement mais aimerait voir explicitement interdits les essais, et le fracking également sous 3.000 mètres.
La fracturation hydraulique pour extraire du gaz naturel conventionnel, qui a cours depuis les années 1960 en Allemagne, restera « en principe possible » mais sera assortie de « règles supplémentaires » par exemple sur les caractéristiques des produits utilisés.
L'Allemagne, pays importateur
Dans les faits, tous les projets de fracking conventionnel sont au point mort, aucune nouvelle autorisation n'ayant été accordée ces dernières années. Et les projets de Berlin sont peu à même de relancer la machine.
« Si ces plans étaient concrétisés, il n'y aurait plus de production de gaz naturel, l'Allemagne serait 100 % dépendante des importations » , a déploré vendredi le président de la fédération des explorateurs de gaz et de pétrole WEG, Josef Schmid.
L'Allemagne n'est de toute façon pas très bien pourvue en gaz naturel, à l'exception de quelques gisements dans le nord du pays.
En revanche, « nous avons du gaz de schiste pour assurer 100 % de l'approvisionnement énergétique de l'Allemagne pendant dix ans, probablement même beaucoup plus », assurait jeudi le patron du géant de la chimie BASF, Kurt Bock, fervent avocat du gaz de schiste.
Les propositions présentées vendredi doivent être soumises à l'approbation des conservateurs, l'autre membre de la coalition dirigée par Angela Merkel. Elles doivent ensuite se traduire non pas par une nouvelle loi, mais par un amendement du droit minier et des lois sur l'eau. Mme Hendricks mise sur une adoption des modifications avant la fin de l'année.