Une majorité d'Etats européens emmenés par la France ont exprimé lundi leur inquiétude quant aux risques que fait peser sur leur agriculture la relance de négociations en vue d'un accord commercial entre l'UE et le Mercosur.
Alors que les dirigeants des pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay) devaient consacrer lundi la reprise des pourparlers après six ans de suspension lors d'un sommet avec l'Union européenne, les ministres européens de l'Agriculture ont vivement débattu de la question quelques heures plus tôt lors d'une réunion à Bruxelles.
Particulièrement remonté, le ministre français Bruno Le Maire a rappelé que la France était « opposée » à ces pourparlers « qui se traduiront nécessairement par de nouvelles concessions au détriment des agriculteurs français et européens ».
« Je ne vois pas pourquoi l'agriculture serait toujours la variable d'ajustement des négociations commerciales en Europe », a-t-il déploré à son arrivée à Bruxelles.
La France a réuni autour d'elle neuf Etats pour soutenir un texte critiquant l'initiative et jugeant « inacceptable » d'envisager de nouvelles concessions agricoles après celles offertes par la Commission européenne en 2008 dans le cadre du cycle de négociations de Doha à l'OMC, qui constituent déjà « une limite ultime » pour les agriculteurs européens.
Les Irlandais redoutent en particulier une concurrence accrue sur le segment du bœuf de haute qualité, et le ministre polonais a insisté sur les menaces que fait peser l'accord sur les volailles et le porc, a indiqué une source diplomatique. L'Autriche, la Roumanie, mais aussi Chypre, la Finlande, la Grèce, la Hongrie et le Luxembourg sont aussi sur la ligne française.
Mais d'autres pays, comme la Belgique, la Lituanie, l'Italie, le Portugal, la Slovaquie et la Slovénie, ont également exprimé leur préoccupation, selon un diplomate européen.
La ministre espagnole Elena Espinosa, dont le pays préside l'UE, a au contraire défendu la reprise de ces négociations « très importantes » avec l'organisation économique sud-américaine.
Favorables à des négociations, l'Allemagne ou les Pays-Bas ont insisté sur la nécessité de le faire « d'égal à égal, de façon équilibrée ».
La nouvelle ministre britannique Caroline Spelman a elle aussi estimé qu'un accord avec cet important partenaire commercial du Royaume-Uni pourrait être intéressant, à condition de « faire attention » à ses conséquences sur le secteur de la viande.
Le commissaire européen à l'Agriculture, Dacian Ciolos, a défendu le choix de l'exécutif européen, qui correspond à « l'intérêt économique de l'UE ».
De fait, selon un haut fonctionnaire européen, ce dossier « est de loin le projet d'accord commercial le plus important de l'UE en Amérique latine ». Qui plus est, le Mercosur « est un bloc relativement protégé, avec des tarifs douaniers élevés, qui n'a aucun accord commercial préférentiel avec d'autres partenaires ».
Le problème est effectivement qu'il compte « parmi les producteurs agricoles les plus compétitifs de la planète, spécialisés dans les mêmes produits que l'UE », reconnaît ce haut fonctionnaire.
En revanche, il représenterait des débouchés importants pour le secteur automobile européen, les pièces détachées, les produits chimiques, fait-on valoir à la Commission.
En tout état de cause, Dacian Ciolos a promis de se montrer « très vigilant » sur l'impact économique et social sur les filières agricoles européennes d'un éventuel accord.
« Si conséquences il y a, il faudra être présents pour aider et soutenir » les filières concernées, a promis le commissaire Ciolos.
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