« Contrairement à la campagne 2007-2008, le marché des grains est cette année structurellement orienté vers des prix hauts. Seul un ralentissement important de l'économie chinoise pourrait calmer les marchés » a martelé Dan Basse, président du bureau d'analyse américain AgResource, mercredi à Genève. Il s'exprimait à l'occasion du colloque Globalgrain, qui regroupait des représentants de plus de 350 sociétés dans 52 pays différents.
« Ces derniers mois, les matières premières sont devenues les produits d'investissement les plus rentables. Et nous pensons que ces produits sont des investissements très intéressants à long terme, car une nouvelle tendance haussière s'est installée. Le risque d'inflation, la baisse du dollar, la menace de défaillance de certains Etats quant au remboursement de leur dette... Une multitude de facteurs plaident pour une hausse des matières premières », avance la banque Rotschild.
Soja, maïs, blé... Les stocks s'annoncent en baisse jusqu'en 2011-2012, pour chaque catégorie majeure de grains échangés sur le marché mondial, selon le bureau d'analyse AgResource. « Face à cela, la demande est en forte hausse, poussée par la reprise de l'économie mondiale et la croissance du niveau de vie dans les pays émergents », rappelle Dan Basse.
« En 2010, nous avons connu la plus forte baisse de production de grains depuis 1995. Et en 2011, on attend encore une hausse de la demande de 40 millions de tonnes (Mt) sur le marché des grains. Les Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine) concentrent en grande partie cette hausse de la demande, avec une consommation de viande et de grains qui n'en finit pas de croître », annonce Dan Basse. Dans ce contexte, l'équation semble de plus en plus difficile à résoudre, et « le moindre incident sur la production mondiale de 2011 peut faire violemment réagir les prix prévient le président ».
A cela s'ajoute le problème de localisation des stocks. « Hors prise en compte des stocks chinois du bilan mondial, le ratio des stocks par rapport à la consommation mondiale retombe aux niveaux inquiétants de 1995 et de 1973 ! », poursuit le président d'AgResources. Les stocks chinois sont abondants, mais ils ne sont pas disponibles pour approvisionner le marché mondial et il est impossible d'être certain des quantités réellement stockées.
« En viande également, le marché apparaît très tendu avec des stocks de bœuf, de volaille et de porc au plus bas depuis 1981 », note Dan Basse.
« En blé, je pense que la Russie ne devrait pas revenir réellement aux exportations avant la fin de 2011, voire 2012, car le pays a un cheptel important à entretenir et les emblavements sont en baisse cette année en raison des contrecoups de la sécheresse. Nous estimons à 3,5 Mt les quantités exportées par la Russie en 2011, contre 18 Mt réalisé en 2009. »
Dan Basse met en garde qu'« avec la baisse des disponibilités mondiales s'accroissent les risques d'embargo à l'exportation de céréales par certains pays tel qu'on l'a vu cette année dans les pays de la mer Noire ».
« Le phénomène climatique "La Niña" n'a jamais été aussi fort depuis 1957, et cristallise des inquiétudes pour les récoltes de 2010 en Australie et en Amérique du Sud ainsi qu'aux Etats-Unis, pour le niveau de production des cultures en 2011, note le président d'AgResources. Après l'éruption du volcan islandais qui a créé la panique sur le trafic aérien mondial, il est à craindre l'éruption du volcan voisin de seulement quelques kilomètres : Katla. Des éruptions de forte amplitude pourraient avoir un impact sur le climat mondial. »