Onze jour après le lancement de la «grève du lait», les éleveurs ont privilégié lundi les rassemblements devant les laiteries, accusées de minimiser l'impact du mouvement, alors que le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, organisait, en fin de journée, une réunion avec les banquiers, les assureurs et la MSA.
Dans la Manche, le Calvados, l'Orne, le Finistère, le Morbihan, l'Ille-et-Vilaine, la Haute-Vienne, la Charente, la Dordogne, le Tarn-et-Garonne, le Gers, les Pyrénées-Atlantiques... et ailleurs, les scénarios se répétaient, à quelques variantes près: blocage ou filtrage des accès des laiteries, et souvent, actions d'épandage prévues à proximité dans l'après-midi.
«On contrôle pacifiquement les entrées et sorties de camions, on regarde les bons de livraison, combien ils ramassent de lait, pour voir l'impact de notre grève», initiée il y a 11 jours, a expliqué Marcel Biard, administrateur national de l'Organisation des producteurs laitiers (OPL, affiliée à la Coordination rurale), éleveur dans l'Ille-et-Vilaine.
Les producteurs visent «notamment» les camions étrangers, pour vérifier que les laiteries ne sont pas en train de procéder à des importations pour compenser la baisse de la production française, a expliqué, en Normandie, Jean-Marc Painblanc, de l'Apli (Association des producteurs laitiers indépendants).
D'une manière générale, «il s'agit pour nous de prolonger l'action de la semaine dernière. Les objectifs n'ont pas bougé: il faut qu'on ait la certitude que la Commission européenne puisse changer la politique laitière pour réussir à garder un outil de régulation et avoir des prix rémunérateurs», a déclaré Didier Galinou, membre de l'OPL du Lot-et-Garonne.
«La mobilisation s'amplifie, on doit être aujourd'hui à environ 40% de grévistes dans le Pas-de-Calais. Il est certain que le mouvement d'épandage de vendredi au Mont-Saint-Michel a contribué à inciter certains qui hésitaient encore à se mettre en grève à leur tour», a déclaré Isabelle Dubois, de l'Apli du Pas-de-Calais, avant une nouvelle action d'épandage, où 200 agriculteurs étaient attendus.
En Lorraine, où des épandages étaient également prévus, les producteurs meusiens sont «très mobilisés, environ 500 sur 800 font la grève du lait», a assuré la Coordination rurale, précisant cependant que la mobilisation était beaucoup moins forte dans les autres départements.
Dans la Loire, plusieurs centaines de producteurs de lait équipés de tracteurs ont mis en place lundi matin un blocage de la préfecture, à Saint-Etienne.
En fin de matinée, près de 200 d'entre eux ont déversé des milliers de litres de lait dans la chambre d'agriculture, la MSA et l'agence de Groupama, inondant les halls d'entrée de ces trois institutions regroupées aux portes de Saint-Etienne, à l'appel de la Confédération paysanne.
Des actions ont également été menées dans les sous-préfectures de la Loire. A Roanne, environ 80 agriculteurs et quatre tracteurs, installés devant la sous préfecture, bloquaient le centre de la ville en milieu de journée à l'appel de Jeunes Agriculteurs.
«Cette action a pour objectif de mettre les pouvoirs publics devant leurs responsabilités alors que le ministre de l'Agriculture rencontre aujourd'hui les banques, les assurances et la MSA pour participer à un effort collectif en allégeant les charges qui pèsent sur les producteurs», a déclaré, Patrick Breyton, directeur de la FDSEA dans la Loire.
Dans le Rhône, les agriculteurs ont déposé lundi matin un veau devant les bureaux du président du conseil général, et ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, Michel Mercier, et devant les permanences des députés du Rhône, Patrice Verchère (UMP) et Christophe Guilloteau (UMP).
Dans l'Isère, des producteurs de lait ont mené des vérifications devant les laiteries Orlac et Danone afin de vérifier qu'elles ne recevaient pas de lait en provenance de l'étranger.
Dimanche, des éleveurs du Nord et du Pas-de-Calais ont procédé l'épandage de 750.000 litres de lait, selon les responsables départementaux de l'Apli.
A Strasbourg, une vache bleu-blanc-rouge et une vache aux couleurs allemandes, escortées par quelques centaines de producteurs de lait se sont rencontrées samedi matin sur le pont de l'Europe d'où des éleveurs ont jeté le contenu de deux grands pots à lait dans le Rhin.
La FRSEA de la Basse-Normandie a dénoncé, dans un communiqué, des «menaces», voire des «affrontements entre grévistes et non-grévistes». «Que les grévistes respectent leurs voisins!», réclame l'organisation syndicale. Elle précise que «des commandos se sont invités de force chez les responsables syndicaux pour les menacer personnellement, parfois devant leurs enfants; des inscriptions calomnieuses ont été placées devant les habitations des responsables, leurs voitures ont été taguées…»
Les évêques bretons, inquiets du «cri de désespoir» des producteurs de lait, ont appelé à une reconnaissance de leur travail par une «juste rémunération», dimanche, dans un communiqué diffusé par la Conférence des évêques de France.
Conscients des «sentiments d'injustice et d'inquiétude face à l'avenir» des agriculteurs, les évêques bretons s'inquiètent des «conséquences, parfois dramatiques, de la crise laitière sur leurs familles, sans compter les dommages qu'elle créera sur d'autres professions para-agricoles» qui peuvent entraîner «une crise en Bretagne».
A Bruxelles, des agriculteurs de l'EMB (European Milk Board)) ont déversé symboliquement, lundi, un «lac de lait» devant la Commission européenne pour attirer l'attention de son président, José Manuel Barroso, sur la crise que traverse leur secteur.
A Paris, Bruno Le Maire devait réunir lundi après-midi les banques, les assurances et la Mutualité sociale agricole (MSA), avec l'espoir de leur arracher un geste de «solidarité» visant à soulager la trésorerie des agriculteurs.
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