L'Inde, dont la première « révolution verte » dans les années 1970 avait été couronnée de succès, s'inquiète aujourd'hui du déséquilibre entre sa production agricole et la croissance de ses besoins, se demandant même si la sécurité alimentaire du sous-continent n'est pas en péril.
Le Premier ministre Manmohan Singh a tiré la sonnette d'alarme au début de la semaine : « Depuis un certain temps, il y a une fausse idée de sécurité selon laquelle la question de la nourriture n'est plus une préoccupation », a-t-il déclaré devant des fonctionnaires des 28 Etats indiens.
« La croissance démographique et de meilleurs niveaux de vie nécessitent une hausse de nos réserves alimentaires », a-t-il prévenu, appelant les gouvernements locaux à mettre en œuvre « des stratégies appropriées » pour soutenir la production agricole.
L'introduction de nouvelles techniques agricoles et la forte hausse de la production de blé et de riz lors de la « révolution verte » dans les années 1970 avaient permis à l'Inde, importateur net de nourriture vingt ans plus tôt, d'accéder à l'autosuffisance en céréales et d'éloigner les menaces de famine.
Mais depuis les années 2000, la croissance de la production agricole s'est tassée, jusqu'à devenir une préoccupation majeure : la production de riz, par exemple, ne représente qu'un tiers de celle de la Chine et environ la moitié de celle du Vietnam ou de l'Indonésie, souligne la Banque mondiale.
Dans le même temps, l'Inde et sa population de 1,1 milliard d'habitants, d'où émerge depuis quelques années une large classe moyenne, devrait devenir le pays le plus peuplé du monde d'ici à 2050n selon le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA).
« L'Inde a un besoin urgent d'une deuxième révolution verte », juge Usha Tuteja, qui dirige l'institut économique d'agriculture à l'université de New Delhi. « Sinon, nous allons perdre jour après jour notre sécurité alimentaire », prévient cette économiste, qui pointe le déséquilibre entre offre et demande.
« Il y a une pénurie des denrées de base sur le marché, comme les fruits ou les légumes. L'Inde dépend des marchés internationaux et des prix élevés sur ces marchés », affirme-t-elle. Selon elle, la hausse des investissements dans l'agriculture devrait être une priorité, en particulier dans la recherche et le développement ainsi que les infrastructures, comme les systèmes d'irrigation.
Environ 60 % des 140 millions d'hectares cultivables dépendent encore des pluies de la mousson.
Mercredi, le ministre de l'Industrie agroalimentaire, Subodh Kant Sahai, a demandé l'aide de la France pour améliorer la productivité, soulignant que l'Inde ne produisait que 30 quintaux par hectare quand d'autres en produisent 60.
L'Inde veut concentrer ses efforts sur la qualité et les technologies agricoles pour résoudre notamment les problèmes de stockage entre deux récoltes et de conservation par le froid, a-t-il indiqué.
La pire sécheresse depuis près de quarante ans a encore fait empirer la situation. Le ministre du Commerce a récemment reconnu que le sous-continent était confronté à une pénurie de sucre et de légumes en raison de la médiocre mousson de juin à septembre 2009. Les prix des denrées alimentaires ont du coup flambé de 19 % en 2009. Le prix du sucre a, lui, quasi doublé depuis janvier 2009.
Le gouvernement a cependant affirmé que personne n'aurait à souffrir de la faim grâce aux stocks de secours et au recours à l'importation.
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• Inde: l'agriculture cherche un nouvel élan