Les effets de la grève des livraisons du lait se font ressentir en Allemagne: l'industrie laitière chiffre ses premières pertes tandis que certains supermarchés n'hésitent plus à rationner le lait.
Le mouvement de protestation suivi par 70% des quelque 100.000 producteurs de lait allemands a causé environ 50 millions d'euros de pertes aux laiteries du pays, a estimé mercredi la fédération de l'industrie laitière MIV.
«Les producteurs ont certes levé leur blocus devant les laiteries» mais une grande partie «continue de ne pas livrer», a indiqué le porte-parole de la fédération, Michael Brandl.
Faute de livraisons, quelques laiteries ont été contraintes de réduire le temps de travail de leurs employés, a-t-il souligné.
Mardi, la fédération, qui regroupe environ 100 entreprises, avait fait pour la première fois état de «goulets d'étranglements» dans l'approvisionnement.
Et dans certaines chaînes de supermarchés, surtout les discounters, la grève des livraisons se fait peu à peu sentir.
Dans les filiales de Kaufland (groupe Schwarz, propriétaire des magasins Lidl), les clients ont le droit d'acheter au maximum douze litres de lait UHT, le but étant d'empêcher que les Allemands commencent à faire des stocks en vue d'une forte pénurie qui, selon les experts, n'aura pas lieu.
«Des problèmes d'approvisionnement de grande ampleur et des rayons vides ne sont pas à craindre dans un avenir prévisible», rassure Stefan Genth, patron de la fédération allemande du commerce de détail.
Selon un sondage de l'hebdomadaire Stern à paraître jeudi, 88% des Allemands sont prêts à payer le lait 10 cents de plus si cette somme revient aux producteurs qui ont appelé, via leur fédération BDM, à un grand rassemblement devant la Porte de Brandebourg jeudi à Berlin.
La BDM y attend plusieurs milliers de participants et a appelé les consommateurs à se joindre à leur manifestation.
Les producteurs, qui ont organisé mercredi des manifestations devant plusieurs grandes surfaces, bénéficient aussi d'un soutien politique. Le ministre allemand de l'Agriculture, Horst Seehofer, leur a témoigné à nouveau sa «pleine solidarité», tout en souhaitant «une solution rapide» au conflit.
Dans le quotidien régional Passauer Neuen Presse, le ministre a aussi souligné l'importance pour l'Allemagne de ne pas dépendre des importations de lait.
Une première laiterie, la Berchtesgarderner Land-Chiemgau, vient de capituler en cédant aux revendications des producteurs, selon la fédération des producteurs BDM.
Pour l'économiste spécialisé dans les questions agricoles, Thomas Fellmann, de l'université Hohenheim (Sud-Ouest), une augmentation du prix du lait ne règlerait pas à elle seule les problèmes du secteur laitier allemand qui sont «avant tout d'ordre structurel».
«Nous avons d'une part en Allemagne une kyrielle de toutes petites laiteries. Elles sont en situation de faiblesse pour négocier (le prix du lait) avec le marché concentré du commerce de détails», explique-t-il.
«De l'autre, nous avons, comme c'est le cas aussi en Autriche et en Suisse, de très petites structures de production qui ne sont pas compétitives» et qui ne le seront pas plus avec un prix du lait plus élevé.
«Les petites exploitations qui ne sont pas capables de se développer n'auront plus aucune chance sur le marché», d'autant que le système des quotas mis en place en 1984 et qui les aidait à survivre sera supprimé en 2015 dans l'UE, a-t-il souligné.
La BDM demande aux laiteries et grandes surfaces de payer les producteurs de lait 43 centimes par litre, contre les 28 à 34 centimes d'usage en ce moment, pour compenser la hausse des coûts de production liée à l'augmentation des prix de l'énergie, du fourrage et des engrais.
Une partie des producteurs de lait tchèques ont annoncé mardi qu'ils allaient réduire de 10% à partir de vendredi leurs livraisons aux laiteries industrielles locales, par solidarité avec leurs collègues allemands, en grève des livraisons de lait.
Les livraisons de lait dans les laiteries en Autriche ont reculé de 20 à 25%, selon la fédération autrichienne des laiteries à la suite de l'appel à la grève des 43.000 producteurs lancée la semaine dernière pour protester contre les prix du lait trop bas.