Mercredi 21 mai, lors d'une conférence sur les marchés mondiaux des produits laitiers organisée par l'Institut de l'élevage à Paris, Christophe Lafougère, directeur du Gira Food (1), a affirmé que « le mot clé pour l'avenir [du commerce des produits laitiers, ndlr] est la segmentation. Des entreprises étrangères investissent massivement dans les pays émergents pour promouvoir localement des produits à marque, et ainsi échapper à la volatilité du marché des commodités. »
Pour cet expert de l'industrie laitière, le marché, aujourd'hui « vendeur », qui se caractérise par une offre légèrement inférieure à la demande, le restera encore quelque temps. « La demande et l'offre [mondiales, ndlr] vont continuer à progresser, affirme-t-il. Mais on ne va pas pouvoir continuer à vendre des produits indifférenciés. » D'autant que des nuages apparaissent à l'horizon. Dans les pays émergents, la concurrence des matières grasses d'origine végétale est bien réelle pour la fabrication de produits infantiles, par exemple.
Le retour des Etats-Unis
Autre changement en cours, le retour des Etats-Unis sur le marché mondial. « Ils se réveillent, et rentrent dans une véritable stratégie d'exportation. Les poudres grasses ont toujours été l'apanage de la Nouvelle-Zélande. Un acteur a investi en 2013 dans ce secteur, et les Etats-Unis pourraient exporter 250.000 tonnes de poudres grasses d'ici à cinq ou six ans. Aujourd'hui, ils en produisent 23.000 tonnes. Ils vont venir nous concurrencer de plus en plus. » En 2013, d'ailleurs, les Américains ont augmenté fortement leurs ventes de produits laitiers en Chine et en Asie.
La Chine est le pays qui fait rêver tous les exportateurs de produits laitiers. « La Nouvelle-Zélande y est largement majoritaire, poursuit-il. La Chine augmente ses importations de fromages. Ses jeunes s'y habituent sur les pizzas, dans les hamburgers. Du côté des produits frais, ils ont les mêmes rayons de yaourts que chez nous. C'est la même chose avec les crèmes glacées. Le consommateur chinois s'habitue à nos produits, à nos marques. »
« La France a un capital confiance fort »
Les consommateurs chinois n'ont visiblement pas confiance dans la production locale de lait UHT. « La France a un capital confiance fort, affirme Christophe Lafougère. Le problème est que, jusqu'à maintenant, on envoie du lait [pour dégager notre marché, ndlr] avec, à la clé, une bataille des prix et une baisse. Les opérateurs chinois demandent aujourd'hui du marketing et de la promotion des marques. Ce sont les enfants qui boivent du lait. Avec un enfant par foyer, une brique de 1 litre, c'est trop. D'où les questions qui se posent sur la segmentation. »
Pour le lait infantile, les Chinois ont une autre stratégie. Soit ils investissent en Nouvelle-Zélande pour importer des ingrédients. Mais « les industriels chinois ont aussi l'ordre d'investir à l'étranger, affirme Christophe Lafougère. Cela leur permet de garantir l'importation de produits d'excellente qualité. De France par exemple. » Il reste à voir si les Chinois accepteront encore longtemps que la valeur ajoutée ne soit pas réalisée sur leur territoire, et s'ils ne seront pas tentés de la rapatrier chez eux.
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(1) Le Gira est un cabinet de consultants spécialisé dans le conseil et les études de marchés (www.girafood.com).