Dans une ambiance apaisée, les délégués régionaux de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), réunis en assemblée générale à Lille, les 14 et 15 avril 2010, ont travaillé au projet "FNPL 2015", une réflexion sur l’avenir de la filière laitière pour l’après-quotas.
Patrick Ramet (Savoie) a rappelé les cinq pistes de réflexion déjà définies lors de l’AG de 2009 au Mans :
- volumes, prix et valeur ajoutée ; obtenir davantage de transparence sur les volumes produits et les stocks stratégiques (beurre, LEP, pâtes dures), mais aussi sur les pratiques contractuelles sur lesquelles la profession travaille actuellement ;
- organisation de l’amont, pour renforcer le pouvoir des producteurs ;
- pouvoir de l’interprofession ;
- rôle des pouvoirs publics ;
- environnement.
Patrick Ramet a ensuite présenté le projet de la FNPL sur les volumes et les prix. « Nous proposons de travailler sur des volumes et des prix différenciés, sur une base “sécurisée” ». L’année 2009 serait l’année de référence : les modalités de calcul du prix se baseraient sur l’accord du 3 juin.
« Attention, nous ne disons en aucune façon que le niveau de prix de 2009 est une base de discussion, insiste Partick Ramet. Il s’agit bien des modalités de calcul ! » La base en matière de volume serait la production (et non le quota) de la campagne, soit 22,2 milliards de litres, qui correspondent à ce que la laiterie France sait valoriser.
« Notre ambition est que la LMA (ndlr, loi de modernisation agricole) contienne une obligation d’informations sur les volumes et les stocks. Aujourd’hui, on sait tracer les dons de lait, les contrats Diester… Il est possible de tracer ces volumes de lait aussi ! »
Les avantages de la proposition de la FNPL : une « base sécurisée » et des négociations qui se dérouleraient au niveau national. Les volumes supplémentaires potentiels seraient sécurisés par les allocations provisoires, sur lesquelles les producteurs ont un pouvoir de décision. Les inconvénients : c’est la laiterie qui propose d’activer ou non le dispositif additionnel (allocations). La question majeure reste le problème de la transparence.
« Ces évolutions seraient maîtrisées, sur la base de la transparence, c’est-à-dire avec la connaissance de la destination des volumes et des quantités valorisées par les entreprises. »
Mais il n’est pas vraiment certain que les industriels soient en phase avec cette proposition, en particulier la demande répétée des éleveurs sur la transparence des volumes et leur valorisation…
« Derrière tout ce projet, notre capacité à sécuriser dépendra de notre capacité à avancer dans l’organisation des producteurs », a précisé Henri Brichart, président de la FNPL. Les membres du bureau ont insisté sur le problème majeur : le rapport de force. Les producteurs devront présenter un front uni face aux industriels.
« Nous devons éviter la concurrence entre OP, et éviter la confrontation individuelle entre un producteur et son industriel, explique Patrick Ramet. Nous partirions de l’existant, avec une structuration par territoire. Il faudrait restructurer les OP par entreprise, puis les fédérer par bassin de production. Les enjeux statutaires, comme les mandats de facturation ou de négociation, seraient à voir ultérieurement. »
Invité de la table ronde sur « La Pac après 2013 », Hermanus Versteijlen, directeur à la DG Agri de la Commission européenne, a suscité quelques sifflets de l’assistance, en exposant la vision de Bruxelles sur l’avenir de la filière laitière. Il a entre autres rappelé le mandat du groupe d’experts de haut niveau (travailler sur la contractualisation, voir comment augmenter le pouvoir de négociation des producteurs, la transparence, les instruments de gestion des marchés à mettre en place…).
En revanche, Stéphane Le Foll, député européen (PSE), a suscité des applaudissements nourris. Il a rappelé qu’il défendrait une régulation des marchés (par des filets de sécurité et une harmonisation fiscale et sociale entre Etats membres), une compensation des handicaps naturels, et la rémunération des services et de l’entretien des biens publics. Il a également défendu un cadre juridique européen pour la contractualisation. Il a rappelé que la bataille à venir serait celle du budget de la Pac pour l’après 2013.
Henri Brichart a eu droit à une longue ovation à la fin de son discours. Il a en particulier évoqué le besoin de recherche de valeur ajoutée et d’outils de régulation, et l’importance d’une « approche de filière sur les volumes mis sur le marché ». Il a également rappelé que « le vrai problème n’est pas de constituer un contrat, mais d’établir un véritable rapport équilibré entre les éleveurs et le reste de la filière ».
Le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, a pu s’exprimer dans une ambiance attentive et plutôt favorable, se félicitant sur le travail déjà accompli pour faire progresser la vision française au niveau de l’UE, et exposant le travail qui reste à faire.
« Je souhaite maintenir une production laitière sur l’ensemble du territoire ». Pour cela, il évoque la compensation des handicaps naturels, la redistribution de la hausse de 2 % des quotas en priorité aux jeunes installés et aux récents investisseurs…
« Mon deuxième objectif est de gagner la bataille de la compétitivité » (via les Etats-Généraux du sanitaire, la méthanisation classée comme activité agricole…). Pour cela, il a demandé à la FNPL de lui « faire des propositions avant le 15 mai » sur un plan pour l’ensemble de la filière.
Enfin, Bruno Le Maire a expliqué que « nous avons impérativement besoin d’une régulation européenne des marchés agricoles contre la volatilité des prix ». Une proposition en ce sens devrait être faite par le commissaire européen à l’agriculture avant la fin de l’année.
Les congressistes, bien que soucieux sur les difficultés économiques actuelles des producteurs laitiers, ont semblé retrouver de la combativité et mettre en retrait leurs divisions internes, sous le soleil printanier de Lille. Et leur crainte d’une manifestation de l’Apli ne s’est pas concrétisée.
A télécharger :
• Discours de Bruno Le Maire, ministre de l'Agriculture, à la clôture de l'assemblée générale de la FNPL (Lille, les 14 et 15 avril 2010)