Réunis mardi à Château-Salins, plusieurs représentants de la filière ont discuté de l'avenir de la production et de la transformation laitières dans le grand Est de la France, à l'initiative d'Avenir Génétique Moselle, du CDJA, de la FDSEA et de la chambre d'agriculture.
Gérard You, économiste à l'Institut de l'élevage, a tout d'abord rappelé aux éleveurs présents dans la salle les avantages et inconvénients des exploitations de la région. Les structures sont souvent plus grandes et plus productives que la moyenne. Aujourd'hui, les grandes cultures sont confortées par une conjoncture porteuse, mais les surfaces en prairies incompressibles représentent environ 35% de la SAU. Sur ces parcelles, l'élevage bovin est incontournable.
La conjoncture actuelle étant plus favorable au lait qu'à la viande, Gérard You prédit une probable progression de la production laitière, par intensification, ou à l'herbe, mais dans les deux cas aux dépens de la viande.
Les exploitations laitières devraient se spécialiser et améliorer la productivité du travail, sur le modèle des pays du nord de l'Europe. Ce qui signifie aussi la poursuite de l'agrandissement des exploitations. Au vu d'une densité laitière relativement faible, la marge de progrès peut être importante, si la production n'est plus limitée par les quotas.
A l'aval, la restructuration industrielle a été très importante, mais il reste suffisamment d'intervenants. «Dans le grand Est, il existe encore une douzaine d'entreprises laitières, explique Gérard Gros, directeur de la production chez Sodiaal. Ce qui fait un tissu de transformation dense. Dans certaines régions, la trop grande dispersion des exploitations nuit à l'ambiance laitière. Ce n'est pas le cas ici.»
Yves Pejot, responsable de la zone du grand Est chez Lactalis, partage ce diagnostic: «Ici, la densité laitière n'a pas diminué, la restructuration des élevages s'est bien passée.»
En revanche, les industriels ont souligné la saisonnalité très marquée de la production dans la région, liée à l'activité céréalière importante, qui exige une grande disponibilité en été. Yves Pejot souligne «l'impact négatif sur la filière laitière, avec le plus faible niveau de lait d'été et des excédents en hiver». Il cite notamment les coûts de transport induits, pour amener les excédents vers les outils industriels de transformation en beurre-poudre, outils qui n'existent pas dans la région.
Par ailleurs, la production biologique est une piste à développer. Lactalis mène d'ailleurs une politique offensive sur ce thème, et envisage d'affecter son usine de Sarrebourg au lait bio. «Certaines zones de la région sont aptes à passer le cap, mais relativisons: la production bio restera modeste», selon Yves Pejot.
Elargissant le débat au niveau national, les deux industriels insistent sur un point: «En production laitière, on ne peut pas tomber dans le libéralisme échevelé, il faudra conserver des outils de régulation du marché.» Gérard Gros rappelle que «la disparition des quotas ne signifie pas la disparition de tout système régulé. C'est à nous – producteurs et transformateurs – de le trouver et de le mettre en place».
Quant à la question de savoir combien il restera d'éleveurs à la fin des quotas, les transformateurs répondent prudemment que «c'est à la profesison de fixer ses objectifs, et d'accompagner l'installation». L'essentiel pour eux étant que le niveau de production ne baisse pas, surtout dans un bassin dynamique qui possède des outils industriels.
Mais l'évolution démographique est inéluctable: le recul semble difficile à éviter. «Aujourd'hui, je m'installerais encore en lait», affirme Guy Pétain, secrétaire adjoint de la FNPL. Ce dernier souligne cependant qu'aujourd'hui, «en Lorraine, l'amélioration de la situation des polyculteurs-éleveurs vient de la hausse du prix des céréales, et non de la hausse du prix du lait, complètement mangée par l'augmentation des charges».