La loi de modernisation de l'économie (LME), présentée lundi en Conseil des ministres, devrait avoir des effets sur la croissance (+0,3%) et la baisse des prix (de 1,6%) dans les trois ans, selon les estimations de Bercy, a déclaré le porte-parole du gouvernement Luc Chatel. Le texte doit être débattu par le Parlement en mai.
«Nous allons mettre fin aux marges arrière en laissant fournisseurs et distributeurs négocier librement, et en sanctionnant les abus qui peuvent se produire dans la relation commerciale», a résumé la ministre de l'Economie Christine Lagarde. Le texte met fin à la «non-discrimination» des tarifs des fournisseurs.
«La France, aujourd'hui, est 5% plus chère que la moyenne des pays européens. Avec certains pays comme les Pays-Bas ou l'Espagne, les écarts sont supérieurs à 15%. Une étude récente a indiqué que le panier de la ménagère allemande en matière alimentaire est 30% inférieur à celui de la ménagère française», a affirmé M. Chatel.
Jérôme Bédier, président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), a évoqué lundi une baisse des prix de 2% si le texte était adopté, et Serge Papin, à la tête de Système U, l'a estimée à 3%. Pour Michel-Edouard Leclerc, patron des centres du même nom, «cette loi va réduire l'inflation par deux» au second semestre. «On va pouvoir refuser des hausses excessives» des industriels, a-t-il estimé, promettant «dès la rentrée des actions spectaculaires de l'ensemble des distributeurs.»
Mais du côté des syndicats agricoles, c'est le mécontentement. Intervenant sur les radios nationales, Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, s'insurge contre le rapport de force déséquilibré entre fournisseurs et distributeurs. Il «regrette que la transparence ne soit pas souhaitée aussi par la distribution» et appelle un observatoire des prix et des marges. La Confédération paysanne accuse la LME de «diminuer la capacité de négociation du secteur agricole et des PME». «Les agriculteurs subissent de plein fouet le rapport de force déséquilibré entre fournisseurs et grande distribution, et sont souvent en situation de vente à perte. Les crises que subissent actuellement les producteurs d’ovins, de porcs, et chaque année les producteurs de fruits et légumes témoignent à l’inverse d’un besoin de légiférer pour protéger les agriculteurs», a ajouté son porte-parole Régis Hochart.
Pour Jean-René Buisson, président de l'Ania (Association nationale des industries alimentaires), la loi ne devrait entraîner aucune nouvelle baisse des prix dans la distribution et aura des conséquences néfastes sur les PME. Selon lui, la loi Chatel du 3 janvier 2008 est suffisante pour faire baisser les prix. Il pointe du doigt «la pression amicale d'un certain nombre de distributeurs et sans doute de Michel-Edouard Leclerc», président des centres éponymes, sur le chef de l'Etat.
M. Buisson a estimé que «les distributeurs n'ont aucun élément pour justifier la baisse des prix» avec la nouvelle loi, puisqu'elle dépendra «des négociations qu'ils vont mener et de la pression qu'ils vont exercer sur les industriels». «Les marges sont déjà très serrées. Une pression supplémentaire sur ces entreprises va augmenter les faillites», a-t-il estimé. «Nous pensons que des milliers d'emplois peuvent disparaître avec un dispositif de ce type-là», a-t-il ajouté.
De son côté, l'UFC-Que-choisir dénonce un «statu quo» du gouvernement. L'association reproche que rien n'est fait contre la conservation d'une situation de monopole local dans la grande distribution.
Dans l'opposition, le Parti socialiste préconise une baisse de la TVA sur les produits de première nécessité pour lutter contre la hausse des prix et réclamé «une évaluation» de la loi Chatel de 2007 avant la nouvelle loi de modernisation de l'économie, votée il y a à peine six mois.