La France n’a jamais compté autant de médecins. Cependant, à partir de 2008, les départs en retraite vont s’accélérer: de 4.000 départs annuels, on passerait à 9.000 entre 2010 et 2015. Le nombre d’installations sera de 3.500 jusqu’en 2010 et progressera ensuite. L’équilibre ne sera atteint qu’en 2025 selon le Sénat, qui vient de publier un rapport sur les moyens de réduire la fracture territoriale de l’offre de soins.
D’une région à l’autre, les inégalités sont criantes: la région Centre enregistre 20% de médecins de moins que la moyenne nationale. Et le milieu rural est particulièrement touché: 63% des étudiants et 60% des jeunes médecins n’envisagent pas de s’installer en zone rurale. Résultat: déjà 183 zones blanches ont été répertoriées à plus de trente minutes d’accès d’un service médicalisé d’urgence et de réanimation (SMUR), soit au total une population de 1,75 million d’habitants isolés.
Depuis 2005, des mesures fiscales incitent pourtant les jeunes médecins à rejoindre les zones rurales dont la population, y compris celle de ses médecins, vieillit davantage. Mais elles ne suffisent pas. Tout d'abord, parce que les médecins ruraux ont entre 30 et 50% d'activité en plus. Ensuite, parce que l'isolement, l'envie de vivre dans une grande ville, de ne pas être éloigné d'un service d'urgence pèse lourd dans la balance. C'est d'autant plus vrai que 70% des médecins généralistes sont des femmes qui aspirent à concilier vie familiale et professionnelle. Le désert appelle le désert: quand un médecin décroche sa plaque, ceux qui restent récoltent un tel surcroît de travail qu’ils sont tentés de faire la même chose.
A côté des mesures fiscales, d'autres mesures voient le jour: la création de maisons médicales souvent avec l'aide des collectivités territoriales, l'aide du conseil général comme dans la Marne pour le transport des personnes à mobilité réduite vers les lieux de soin, des bourses dans la Manche allant jusqu’à 24.000 € pour favoriser les stages d'étudiants en milieu rural.
Mais cette politique de moindre contrainte ne suffira pas à venir à bout de résistances des étudiants, selon le rapport du Sénat. D'où cet article dans le projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale qui inciterait au déconventionnement des nouveaux installés dans des régions surdotées.
Les infirmières ont déjà signé un tel protocole. Les internes en médecine en grève dénoncent la remise en cause de leur liberté d'installation. Si la mesure semble logique, certains craignent que les jeunes ne s'installent pas, se satisfaisant au moins au départ d'un statut de remplaçant. Autre mesure envisagée par les rapporteurs: un classement régional des étudiants en rééquilibrant la répartition des postes dans chaque université en fonction de l’existence ou non de zones sous-médicalisées. Car la première installation est cruciale.
Consultez le rapport d'information du Sénat intitulé «Offre de soins: comment réduire la fracture territoriale?» dans la rubrique "Docs utiles".