De multiples causes, parmi lesquels les pesticides, les virus, ou encore le varroa, concourent au déclin des abeilles mais chaque pays a tendance à privilégier sa propre thèse pour expliquer cette inquiétante surmortalité. C'est ce qui ressort du sommet mondial Apimondia 2009, qui a réuni à Montpellier 10.000 professionnels de l'apiculture d'une centaine de pays et 500 chercheurs.
Depuis dix ans, les colonies d'abeilles enregistrent des pertes très importantes: dans certaines régions du monde, leur taux de mortalité, qui normalement ne doit pas dépasser 5%, peut atteindre 40%, voire 80% dans les cas extrêmes.
«Il y a un problème environnemental grave», s'alarme Henri Clément, président de l'Union nationale des apiculteurs français (Unaf), rappelant que 35% de notre alimentation dépend de la pollinisation.
«En Chine, ils en sont réduits à polliniser les fleurs des arbres fruitiers à la main, dans le Sichuan» où les abeilles ont disparu dans les années 1980, ajoute-t-il.
Les scientifiques estiment que de nombreuses causes, susceptibles de se conjuguer et de varier d'un pays à l'autre, expliquent cette mortalité anormalement élevée.
Au Moyen-Orient, les pertes de colonies ont atteint 20% en 2008 dans le sud du Liban, 20% en Jordanie, 17% en Irak et même 80% à Bagdad, a indiqué Nizar Haddad, du Centre national de recherche en agriculture de Jordanie.
Certes, «dans certaines régions, les apiculteurs n'ont pas toujours eu la possibilité de s'occuper de leurs ruches à cause de l'instabilité politique», a-t-il commenté.
Mais dans l'ensemble, il estime que c'est le Varroa destructor , un acarien parasite de l'abeille, qui pourrait être responsable du déclin des abeilles dans cette région. Il pointe également les abeilles importées de l'étranger qui résistent plus difficilement que les locales aux conditions climatiques dures dans ces pays.
Au Québec également, on se polarise sur le varroa: avant son arrivée dans cette province canadienne en 2003, les taux de mortalité des abeilles ne dépassaient pas 10 à 15% alors qu'ils atteignent aujourd'hui 30%, a indiqué Madeline Chagnon, chercheur à l'université du Québec à Montréal.
Aux Etats-Unis, les chercheurs parlent d'un «syndrome d'effondrement des colonies» (Colony collapse disorder, CCD), un phénomène encore inexpliqué qui se traduit par la disparition soudaine des abeilles de la ruche et l'absence de cadavres de cet insecte à proximité.
Les pertes liées au CCD ont atteint environ 30% au cours de l'hiver 2008-09, a indiqué Dennis van Engelsdorp, coordinateur d'un groupe de travail américain sur la question.
En Angleterre c'est le Nosema ceranae , un parasite commun chez les abeilles d'Asie, qui menace les ruchers.
En Espagne également, le nosema est apparu comme «le principal élément pathogène», a assuré Mariano Higes, chercheur au centre régional apicole de Marchamalo (centre de l'Espagne).
De leur côté, les apiculteurs français incriminent les pesticides. L'Unaf milite pour un protocole plus sévère d'homologation de ces produits phytosanitaires.
Le développement de l'agriculture intensive avec l'uniformisation des cultures et la régression des espaces naturels, havres de biodiversité, est également mis en cause.
Le changement climatique qui risque de modifier la période de floraison des plantes pourrait devenir un facteur aggravant.
Et depuis quelques années, les abeilles doivent compter avec le redoutable frelon asiatique, Vespa velutina , qui attend les butineuses devant la ruche pour les capter en vol et les dévorer.