« Quelles politiques agricoles demain en Europe ? Défis et opportunités de la croissance verte. » Tel était le thème de la conférence-débat organisée par SciencesPo Paris le 14 février 2012.
Il semble admis que demain, en France, en Europe comme à l'ONU ou à l'OCDE, la croissance sera verte. Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le dossier spécial du quotidien Le Monde du même jour, pour les intervenants au colloque de SciencesPo, la croissance verte ne se fera pas sans les agriculteurs.
A l'issue d'une heure de débat, difficile d'identifier un modèle. « Il n'existe pas de solution qui soit la panacée, a résumé Pierre Jacquet, économiste en chef à l'Agence française de développement. La croissance verte est un impératif, pas une idéologie. C'est la recherche permanente du compromis. »
La Pac après 2013 peut-elle accompagner cette mutation ? Pour Henri Nallet, ancien ministre de l'Agriculture et président de la fondation Jean Jaurès (Think-tank), la proposition de la Commission européenne est une profonde réforme à ne pas minimiser.
Mais des incertitudes majeures, principalement sur le cadre financier 2014-2020, le niveau de convergence des aides entre Etats membres et certaines mesures de verdissement posent des problèmes majeurs, notamment quant à la compétitivité des agriculteurs français.
Pour Stéphane Le Foll, on est loin du compte. La Pac devrait accompagner, voire même anticiper cette mutation. « On ne peut plus faire l'économie de la question alimentaire, aussi liée à l'environnement. » Agriculture, alimentation, environnement, un triptyque indissociable.
La Pac est unanimement jugée trop sectorielle par rapport à l'enjeu. Mais au niveau européen, il faut déjà se battre pour que l'agriculture reste une priorité. Si une majorité se dégage au Parlement européen, ce n'est pas encore le cas au Conseil.
« En Allemagne, nous tenons à conserver une agriculture sur tout le territoire. C'est pourquoi nous nous battons pour maintenir les fonds européens, a déclaré Bärel Hoehn, députée allemande (Verts) et ancienne ministre de l'Agriculture et de l'Environnement en Rhénanie du Nord. Mais pour les justifier, il faut qu'il s'agisse d'une agriculture durable. »
Pour elle, la proposition de verdissement de la Commission « ne va pas assez loin » : conditionner 30 % des aides est insuffisant ; que dans une rotation une culture puisse représenter 70 % de la sole cela reste de la monoculture ; 7 % de jachère écologique en 2014, cela arrive trop tard.
Bärel Hoehn estime que la croissance verte est aussi un remède à la volatilité des prix des matières premières. « Les agriculteurs en produisant de l'énergie s'assurent un revenu pour vingt ans et cela, sans intervention sur la nature et sans concurrence alimentaire (ndlr, contrairement aux biocarburants). »
Photovoltaïque, éolien, méthanisation sont autant d'activités para-agricoles en plein essor outre-Rhin. Selon elle, produire moins de viande est une autre alternative : « 30 % de la sole agricole dans le monde est consacrée à la viande contre 2 % pour les biocarburants. Alors que nous manquons de terres arables, peut-on encore se permettre une consommation intensive de viande ? »
L'espoir d'une croissance verte reposerait-il alors sur le deuxième pilier de la Pac ? Pour Trees Robijns, chargée d'études en agriculture européenne et bioénergie de Birdlife (association environnementale), « on est en train de perdre le deuxième pilier alors qu'il permet des actions très localisées aux impacts positifs ». En cause notamment, le cofinancement dont les Etats membres ou les Régions n'ont plus les moyens.