«Avec des conditions climatiques normales, nous devrions avoir à l'avenir un prix du blé inférieur à aujourd'hui, mais l'essentiel, c'est la mutation structurelle à laquelle nous assistons. Ne croyez pas que l'on reviendra à un ordre ancien», a lancé l'économiste Philippe Chalmin aux meuniers français réunis le 5 octobre pour l'assemblée générale de leur association, l'ANMF. Se gardant de faire des prévisions à cours terme, le professeur de l'université de Paris Dauphine se dit persuadé que «tout est possible entre 150 €/t et 300 €/t» en fonction des conditions climatiques.
Selon lui, «il faut faire le grand saut du passage du stable à l'instable. Vous avez fonctionné longtemps dans le petit bain avec une grosse bouée, mais il faut désormais se jeter dans le grand bain avec probablement moins de bouées». Comme à son habitude, Philippe Chalmin a donc appelé «à démanteler tous les outils européens de régulation du marché des céréales», estimant «prétentieux de penser que l'on pourra inventer une nouvelle martingale bureaucratique pour stabiliser ces marchés. Il est grand temps d'accepter la logique d'instabilité des prix des céréales».
Même s'il juge la situation actuelle «excessive», Philippe Chalmin considère que «la flambée des prix est bénéfique à l'humanité, car c'est un signal d'alerte. Nous payons des années pendant lesquelles on a considéré qu'il fallait diminuer la production et que l'intensification était un pêché» avec pour conséquence que «l'outil de production n'a pas suivi». Pour lui, «nous vivons l'enjeu de la rareté, et le grand défi du XXIè siècle est avant tout alimentaire, et non énergétique».
Concernant les grandes mutations à l'oeuvre au sein des échanges mondiaux de céréales, l'économiste a évoqué l'apparition d'une demande solvable et importante dans un certains nombre de pays émergents et chez des exportateurs de pétrole prêts à débourser très cher pour leur approvisionnement alimentaire, grâce à la richesse accumulée avec le commerce de l'or noir.