Face à l'interdiction qui lui est faite de publier une recommandation d’évolution du prix du lait, l’interprofession (Cniel) semble groggy. Le Cniel «prend acte et cesse dès à présent l’émission des recommandations».
Depuis la réception du courrier de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) leur enjoignant de renoncer à cette recommandation, les syndicats membres de l'interprofession laitière restent discrets sur le sujet et la ligne de conduite à adopter.
«Cette interdiction est très politique, glissent des observateurs. Elle intervient dans un contexte de bataille pour le pouvoir d’achat des Français lancée par le président de la République et de présentation de la loi de modernisation de l’économie, qui veut libéraliser davantage le commerce. Sans compter les pressions de la Commission européenne. Que les producteurs obtiennent une hausse fait désordre… On peut cependant craindre que le grand bénéficiaire soit plutôt la distribution que le consommateur».
L’avis de la DGCCRF éclaire aussi les contradictions franco-françaises, qui opposent le ministère de l’Economie et celui de l’Agriculture. Il vide de sa raison d’être le mémorandum déposé par Michel Barnier à Bruxelles en janvier dernier, qui plaidait pour le renforcement des filières. Le ministère de l’Agriculture «ne commente pas les actions de la DGCCRF», répond la rue de Varenne.
«La décision de la Répression des fraudes va complètement à l’encontre de l’action de Michel Barnier pour renforcer le rôle des interprofessions, regrette pour sa part Thierry Roquefeuil, secrétaire général de la Fédération des producteurs de lait (FNPL). Nous attendons que les pouvoirs publics nous expliquent leurs raisons».
La pilule est d'autant plus dure à avaler que la filière laitière est régulièrement mise en avant par des politiques pour sa structuration... Ainsi, Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'Industrie et de la Consommation, déclarait le 26 mai dans le quotidien Métro: «Pour les fruits et légumes, la grosse difficulté est qu’il existe une multitude de producteurs, qui ne sont pas organisés et qui ont face à eux cinq centrales d’achat hyperpuissantes. Le vrai enjeu, c’est d’encourager les producteurs à s’organiser, comme a pu le faire la filière du lait, afin de rééquilibrer le rapport de force».
La filière devra aussi plancher sur d’autres outils d’encadrement de la filière. «Mais pour cela, la DGCCRF devra clarifier ce qu’il est possible de faire au sein d’une interprofession et indiquer les limites à ne pas dépasser», souligne Gilles Psalmon, directeur adjoint de la FNPL. «L’attitude des entreprises dans les mois à venir nous indiquera si le climat restera bon dans l’interprofession, conclut Thierry Roquefeuil. Sinon, la FNPL sait aussi tenir son rôle revendicatif, et faire du syndicalisme pur et dur…»
La Confédération paysanne voit pour sa part une occasion «d'imaginer d'autres formes de revendications pour obtenir des prix minimaux couvrant les coûts de production», explique Yves Leperlier, qui représente le syndicat à l'Office de l'élevage. «Très souvent, nous dénoncions cette recommandation comme n'étant pas le reflet de l'ensemble des valorisations des produits laitiers, et ne tenant pas compte des coûts de production des éleveurs. Mais ce n'est pas pour autant que la position de la DGCCRF nous donne satisfaction».