Suite à la publication, mercredi, du revenu moyen de 32.500 € par agriculteur en 2011, par la commission des comptes de l'agriculture, les organisations professionnelles agricoles veulent tempérer l'impression d'une situation correcte. Elles insistent sur les disparités fortes entre spécialisations et les fluctuations de revenu depuis 5 ans, source d'instabilité. Pour les syndicats, les situations difficiles des maraîchers et des producteurs de viande ne doivent pas être oubliées.
Ainsi, l'APCA (Assemblée permanente des chambres d'agriculture) rappelle que « les revenus des producteurs de fruits et de légumes poursuivent une baisse structurelle entamée depuis plusieurs années. Ils plongent en 2011 à des niveaux historiquement bas : 10.900 € en arboriculture et 8.100 € en maraîchage par agriculteur et par an. En élevage, on observe le même phénomène avec des revenus en ovins et bovins viande qui décrochent par rapport aux autres éleveurs pour s'établir à respectivement 17.600 € et 15.400 € par éleveur et par an ». « Ces résultats illustrent l'impossibilité pour les agriculteurs de répercuter les hausses de prix des charges dans le prix de vente de leurs produits. Les travaux de l'observatoire des prix et des marges apporteront prochainement, je l'espère, un éclairage sur ce point », a déclaré le président de l'APCA, Guy Vasseur.
Pour Xavier Beulin, président de la FNSEA, « le résultat n'est pas aussi flamboyant qu'on veut bien le dire » puisque les revenus ont retrouvé leur niveau de 2000. Il rappelle que les chiffres se caractérisent par « une très forte disparité ».
« La disparité économique pourrait résumer cette année 2011 », déplore la Confédération paysanne. « La diversité de revenus reste très marquée en fonction des régions : les paysans des régions Limousin, Aquitaine et Midi-Pyrénées ont un revenu inférieur à 20.000 € euros alors que le revenu de Picardie, d'Alsace et de l'Ile-de-France avoisine les 50.000 €, et que celui de Champagne-Ardenne se rapproche de 100.000 € ». Le prix du fermage pourrait augmenter au niveau national pour 2012 de 2,67 %, sans tenir compte des disparités régionales, s'inquiète le syndicat.
La Coordination rurale (CR) dénonce des « manipulations statistiques » opérées par la commission des comptes de l'agriculture pour exclure « les petites exploitations (plus du tiers du total) pour augmenter artificiellement le revenu annuel ». La CR dénonce « la dégradation économique et sociale de l'agriculture » et affirme « que l'agriculture va très mal et qu'il est urgent d'agir en réformant la Pac en profondeur ».
Pour le Modef, le chiffre moyen du revenu agricole « devient un indicateur de moins en moins pertinent compte tenu de très importantes disparités entre les structures d'exploitation, les productions et les régions ». Le Modef « tient à mettre l'accent sur la situation dramatique des producteurs de fruits et légumes (entre 8.000 et 12.000 € de revenus) mais aussi les difficultés auxquelles sont confrontés les éleveurs bovins et ovins ».
Si le revenu agricole « se maintient globalement, des disparités persistent entre filières, d'année en année », commente Jeunes Agriculteurs (JA). « Pourquoi certaines filières comme les fruits et légumes s'embourbent dans les mêmes difficultés économiques et sociales et ne peuvent se défendre face à la concurrence ? Surtout, avec la hausse des charges et les incertitudes sur l'année 2012, la visibilité économique, si vitale pour les jeunes qui s'installent, manque cruellement et nous fait grandement relativiser les choses ! Quoi que l'on dise, le rebond n'est pas là ».
Selon la FNP, les chiffres du revenu 2011 « ne témoignent pas encore assez des difficultés des éleveurs de porcs, en crise depuis 5 ans. En effet, de source MPB [marché du porc breton], avec un coût de production établi par le CER des Côtes-d'Armor, la perte moyenne pour les éleveurs était en 2011 de 6 cts/kg produit. Il s'agit d'un nouveau déficit qui s'ajoute à ceux des années précédentes. Ainsi, depuis 2007, les pertes cumulées pour les éleveurs de porcs se chiffrent à 25 cts/kg produit ».
Pour Légumes de France, le revenu 2011 porte la marque d'une « catastrophe conjoncturelle : la crise médiatico-sanitaire E. coli », et de « causes structurelles » : « dès l'hiver 2010/2011, les marchés étaient déjà en crise, avec les mêmes causes qu'en 2009, à savoir la recherche du prix toujours le plus bas et le zapping permanent entre origines sur le seul critère du prix, un réel dumping social, sanitaire et environnemental. De plus, les distorsions de concurrence au sein même de l'Union européenne fragilisent dangereusement les producteurs de légumes de toute la France ».
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