La lutte pour la défense du climat doit aller de pair avec celle contre la pauvreté et la faim, a insisté vendredi le président Nicolas Sarkozy en annonçant un doublement de l'aide française pour faire face à la crise alimentaire.
La France entend porter à 60 millions d'euros «dès cette année» son enveloppe d'aide alimentaire, a indiqué le chef de l'Etat, jugeant «urgent d'agir pour renforcer la sécurité alimentaire à un moment où 37 pays connaissent une crise alimentaire très grave».
La crise «appelle des réponses immédiates», mais aussi une «stratégie ambitieuse d'aide pour l'agriculture», a-t-il poursuivi en évoquant un «partenariat mondial pour l'alimentation et l'agriculture» qu'il s'apprête à proposer pour renforcer la coordination des grands acteurs internationaux, publics privés et non gouvernementaux.
M. Sarkozy s'adressait aux représentants des 16 principales économies de la planète, réunis à Paris au chevet du climat – elles cumulent 80% des émissions de gaz à effet de serre –, et les a pressés de parvenir à un accord universel contre le réchauffement.
Le groupe international d'experts sur le climat (GIEC) estime que jusqu'à 3,2 milliards d'humains seront exposés à des pénuries d'eau sévère et 600 millions à la faim en raison des sécheresses et de la dégradation des sols d'ici à 2080.
A l'instar de l'ancien patron de l'ONU, Kofi Annan, qui prévenait dès 2006 que le réchauffement posait «une menace à la paix et à la sécurité», M. Sarkozy a jugé que «si nous continuons dans cette direction, la crise du Darfour ne sera qu'une crise parmi des dizaines d'autres».
Selon l'OCDE, l'aide des pays riches aux pays en développement a cependant diminué de 8,4% en dollars constants entre 2006 et 2007, dont 15% pour la France (près de 30% pour le Japon ou le Royaume-Uni). Face à la double urgence alimentaire et climatique, le président français a rappelé à son auditoire que la communauté internationale devait parvenir à un accord universel sur le climat d'ici à la fin de 2009, comme elle s'y est engagée à la conférence climat de Bali, en décembre dernier.
Le discours de M. Sarkozy a été jugé «très mou» par Greenpeace et «timoré» par le WWF, comparé au tir de barrage qui avait accueilli jeudi les déclarations du président américain sur le climat.
Le MEM (Major Economies Meeting) ou rendez-vous des économies majeures des 16, un forum informel des grands pollueurs, lancé par les Etats-Unis en septembre 2007, s'était ouvert jeudi sur de graves divergences: Washington venait d'annoncer la veille qu'il prévoyait de simplement plafonner ses émissions polluantes en 2025, alors que l'Europe vise dans le même temps à réduire les siennes de 20% au moins, voire 30%.
«Si on ne fixe pas d'objectif, ça c'est sûr qu'on les atteindra pas», a lancé M. Sarkozy à leur intention.
Mais il a aussi appelé les grandes économies en développement au réalisme: «Vous ne pouvez pas vouloir les droits des grandes puissances que vous êtes en train de devenir et vous exonérer de vos devoirs. Une grande puissance a des droits, des responsabilités et des devoirs: ce point ne peut pas faire l'objet d'une négociation», a-t-il insisté. Selon un institut californien, la Chine aurait déjà pris le premier rang des Etats pollueurs, devant les Etats-Unis qui comptent pour près d'un quart des émissions mondiales. Mais la Chine refuse de s'engager sans les Etats-Unis. Ces derniers insistent pour les pays en développement qui en sont actuellement dispensés soient soumis à des engagements contraignants.