Plusieurs milliers d'agriculteurs, en majorité des céréaliers, arrivaient mardi à Paris, juchés sur plus de mille tracteurs, décidés à interpeller le président Nicolas Sarkozy sur la baisse de leurs revenus et leurs craintes pour l'avenir de la politique agricole commune.
Les premiers des 1.293 tracteurs recensés par la police sont entrés dans Paris par la porte de Vincennes vers 10 heures, plus de deux heures après avoir franchi les péages de Senlis (Oise), Saint-Arnould (Yvelines), Coutevroult (Seine-et-Marne).
Les tracteurs, qui doivent effectuer une boucle entre les places de la Nation, de la République et de la Bastille, devaient rejoindre des centaines d'agriculteurs à pieds déjà regroupés sur la place de la République. Selon la FNSEA, entre 9.500 et 10.200 agriculteurs convergeaient également vers la capitale en bus.
Placés en files indiennes encadrées par des motards de la police, les convois s'étiraient sur des kilomètres sur les autoroutes autour de la capitale, arborant des panneaux sur lesquels était écrit « Détresse agricole », « agriculteurs en colère » ou encore « Tous à Paris ».
Partis de quatorze régions de France, beaucoup d'entre eux sont arrivés la veille dans la région parisienne et ont dormi chez des collègues exploitants.
« La nuit a été courte. On s'est couché vers minuit et on s'est levé à 4 heures. On était quatre-vingts pour le dîner dans la salle des fêtes du village de Maisons (Eure-et-Loir) », témoigne Etienne Gangneron, venu de Vasselay (Cher), à 10 km au nord de Bourges et qui a passé le péage de Saint-Arnoult (Yvelines) avec 400 autres tracteurs.
Reconnaissant une situation « terriblement difficile », le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, a estimé sur France Inter que la crise actuelle n'était « pas la énième crise conjoncturelle. C'est un moment de rupture dans l'histoire agricole française et européenne ».
« Nous entrons dans un nouveau monde agricole », a-t-il ajouté, soulignant la nécessité d'une “régulation très forte” des marchés pour contrer la volatilité des prix et éviter la “destruction de milliers d'exploitations” en France et en Europe.
En attendant, M. Le Maire demande « que la Commission européenne intervienne davantage sur les marchés pour dégager les stocks de céréales » et « faire remonter les prix » dans ce secteur « stratégique ».
Les manifestants entendent peser sur les pouvoirs publics pour qu'ils défendent à Bruxelles une Pac qui, jusqu'à présent, leur a été favorable mais exigent aussi des mesures « immédiates » de soutien du gouvernement français.
« Il faut une volonté politique claire de soutenir le monde agricole comme a fait l'Allemagne qui a développé son agriculture et qui est en train de devenir le premier pays agricole européen », plaide Christophe Paulin de la FDSEA du Pas-de-Calais.
« Il faut alléger les lourdeurs administratives pour permettre d'être compétitifs avec les voisins allemands et belges » et profiter des nouvelles technologies, estime-t-il.
« On est dans une situation dramatique, où les cours ne remontent pas et où de nouvelles charges franco-françaises s'accumulent, la situation devient intenable », affirme aussi Christophe de Rycke, de la FDSEA de la Seine-et-Marne.
En 2009, la filière a vu ses revenus baisser de 51 % dans le sillage des cours des céréales (-24 %), après l'envolée de 2007 et 2008. Selon M. Le Maire, plus de 20.000 exploitants agricoles bénéficient du RSA (revenu de solidarité active).