Le spectacle à Charron dimanche après-midi était effrayant. Comme si la mer avait avancé de plusieurs centaines de mètres dans les terres, isolant les exploitations dont seuls émergeaient encore les bâtiments.
La Vendée et la Charente-Maritime recensent encore leurs morts et cherchent les disparus de la tempête. Si les hommes et leurs habitations ont été durement touchés, les exploitations agricoles l’ont été tout autant.
Des vents violents de 130 à 160 km/h se sont abattus sur les deux départements dans la nuit du 27 au 28 février 2010. Les bâtiments agricoles et les serres ont plutôt bien résisté, mais il n’en a pas été de même des digues qui protègent les terres.
Les assauts d’un océan démonté et grossi par de forts coefficients de marée ont emporté ces digues, parfois sur des kilomètres, dans les Marais breton et poitevin, dans ceux de Rochefort et de Marennes. L’eau salée a envahi des terres consacrées aux grandes cultures ou à l’élevage, emportant sur son passage des animaux, inondant les fourrages, les équipements, les salles de traite…
Lundi soir, l’eau accumulée derrière les digues continuait de remonter vers l’intérieur des terres. Et de nouveaux coups de vent, conjugués à de gros coefficients de marée, faisaient craindre de nouvelles inondations.
Plus globalement, une polémique commence à prendre de l’ampleur : les digues qui ont été emportées par cette dernière tempête avaient déjà été malmenées par la précédente de 1999. Depuis, leur remise en état était certes à l’ordre du jour, mais reportée d’année en année.
« La mer est partout, c’est une catastrophe », regrette Bruno Giraud, agriculteur à Triaize, en Vendée. « Ici, l’économie est morte. Et ce qui nous fait peur, c’est que personne ne pense à l’agriculture… »
Dans les deux départements, les chambres d’agriculture ont aussitôt tenté de recenser les dégâts. La Charente-Maritime estime entre 30.000 et 50.000 hectares les surfaces envahies par la mer. En Vendée, 4.500 hectares sont sous les eaux dans le Marais poitevin, 2.000 dans le Marais breton. Sur les deux départements, deux tiers concernent des grandes cultures, un tiers des prairies.
« Tout est inondé d’eau salée », constate un agriculteur. « Ça veut dire qu’il n’y aura pas de cultures pendant quatre ou cinq ans… » (voir l'encadré). Les blés sont sous l’eau et les semis de maïs sont d’ores et déjà compromis.
Au moins un millier d’animaux, des moutons, des bovins et des chèvres, ont été noyés et lundi soir, on trouvait encore des moutons morts sur le bord des routes vendéennes. Les troupeaux d’une quarantaine d’exploitations ont dû être évacués.
Une solidarité formidable s’est aussitôt mise en place en Vendée, les agriculteurs du reste du département proposant fourrages, logement pour les animaux, ou encore bâtiments démontables. La chambre d'agriculture recense les besoins et centralise les propositions afin de les répartir au mieux.
Celle de la Charente-Maritime a survolé les zones inondées dès lundi pour les photographier. Les photos aériennes seront ensuite comparées aux données Pac de la DDA pour aider à établir les déclarations auprès des assurances. La chambre a aussi mis en place un numéro vert pour les agriculteurs sinistrés, le 0800-00-41-57. Elle prendra ensuite contact avec chacun d’eux pour faire le point sur leur situation personnelle.
Mais d’ores et déjà, beaucoup expriment lassitude ou même écœurement. Et certains, les plus découragés, envisagent de tout arrêter. « Nous ferions mieux de tout vendre au Conservatoire du littoral », indique l'un d'eux.
Le gypsage : une solution à moyen terme
Les chambres d’agriculture de la Charente-Maritime et de la Vendée ont déjà alerté les conseillers généraux sur la nécessité de tout mettre en œuvre pour récupérer au plus vite la valeur agronomique des terres.
En effet, les surfaces noyées sont celles qui obtiennent souvent les meilleurs rendements céréaliers dans les deux départements. Pour contrer les effets du sel, il faut désormais leur apporter du gypse.
« Il a la capacité de se composer avec le complexe argilo-humique », indique Didier Gaucher, le directeur de la chambre de la Charente-Maritime. « Il capte le sel qui part ensuite par ruissellement. »
Il reste que du fait du sel, il n’y a aucun rendement la première année, à peine plus la seconde et que le potentiel des terres ne revient qu’au bout de trois ou quatre années.
De plus, l’opération est coûteuse, et ce d’autant plus que les exploitations sont sinistrées et subissent un contexte agricole difficile. « Les agriculteurs ne pourront pas se le payer tout seuls… », observe Didier Gaucher.
Après la tempête de 1999 et une première inondation des terres, des financements avaient pu être obtenus auprès du Conseil général, de la Région et du Fonds calamités. |
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