Les premiers tests de plantation de maïs transgénique au Mexique font monter l'inquiétude et la colère dans le pays où cette céréale possède un caractère sacré, sinon culturel. La crainte inspirée par le maïs OGM, c'est de voir la diversité mexicaine disparaître, au profit de deux ou trois espèces seulement, contrôlées par les multinationales.
Le maïs est indissociable du Mexique depuis les temps pré-hispaniques, où des mythes le présentaient comme l'origine de l'homme.
Aujourd'hui, le Mexique est le premier producteur mondial de maïs blanc, base de l'inévitable galette «tortilla». Dans le pays, on dénombre une cinquantaine de variétés indigènes, aux grains multicolores (rouges, bleus, marrons...), produites par des milliers de petits agriculteurs dont c'est l'alimentation de base.
Le gouvernement a attribué en ce mois d'octobre ses 22 premiers permis de tests de maïs OGM, dans le nord et l'est du pays, aux spécialistes américains des semences, Monsanto, Dow AgroSciences et Pioneer.
Le Mexique importait déjà, et de plus en plus, la variété de maïs jaune, destinée surtout à l'alimentation animale.
A entendre les autorités mexicaines, les tests OGM visent à reconquérir une production de maïs autosuffisante, et à contribuer à faire baisser les prix, qui ont plus que doublé sur le marché mondial depuis 2007, en raison particulièrement de la demande en carburants d'origine végétale.
En 2008, des dizaines de milliers de Mexicains étaient descendus dans les rues pour protester contre le prix de la tortilla. «Aucun pays ne devrait dépendre des autres pour son alimentation», a déclaré Ariel Alvarez Morales, qui dirige à Mexico la Commission biministérielle sur la biosécurité des OGM.
Lui ne diabolise pas les OGM: «Nous pouvons profiter de notre biodiversité en matière de maïs, et cela peut passer aussi par cette nouvelle technologie», a-t-il estimé.
Greenpeace a mené une campagne de protection du maïs mexicain quand des traces d'OGM ont été trouvées dans des variétés locales au cours de la dernière décennie, malgré un moratoire sur la plantation de variétés transgéniques.
Les nouveaux permis de tests sont limités à une dizaine d'hectares, et les autorités affirment avoir veillé à les empêcher de contaminer le maïs local. Elles ont assuré que ces cultures expérimentales de variétés OGM auraient lieu dans des régions sans plantation de maïs indigène et sur des «terrains contrôlés et complètement isolés d'autres cultures».
Les ministères n'ont pas dévoilé d'autres détails sur les entreprises choisies pour mener les expérimentations sur le maïs OGM, ni sur leur emplacement.
Greenpeace maintient que ces essais OGM de plein champ risquent de toucher 31 espèces indigènes.
L'organisation écologiste a porté plainte pour obtenir le retrait des autorisations. «Leur but final n'est pas l'expérimentation, c'est d'ouvrir la porte à ces semences qui ne profitent qu'aux grandes compagnies, pas aux producteurs et consommateurs mexicains», a affirmé une militante de Greenpeace, Aleira Lara.
Le gouvernement ferait mieux d'investir davantage dans l'aide aux petits agriculteurs et la protection du maïs local, selon elle.
Sur les 1,9 million de producteurs mexicains de maïs, 85% exploitent moins de 5 hectares, selon les chiffres officiels.
Pour l'heure, des graines de la plupart des variétés mexicaines de maïs sont conservées, congelées, dans la vaste banque de semences du Centre international d'amélioration du maïs et du blé (CIMMYT) à Texcoco, dans le centre du Mexique, parmi 27.000 échantillons en provenance de tout le continent.
«C'est une réserve génétique pour répondre aux problèmes, liés par exemple au changement climatique», a expliqué un expert du Centre, Kevin Pixley.
Lire également:
