Les députés ont voté mardi à une large majorité la proposition de loi socialiste « contre le dumping social », qui veut renforcer contrôles et sanctions contre les entreprises ayant recours de manière abusive à des travailleurs détachés d'un autre pays de l'UE.
Ce texte, fortement mis en avant par la majorité à quelques semaines des élections européennes, a été adopté en première lecture en procédure accélérée (une lecture par chambre) par 323 voix contre 10 et 148 abstentions. Il était soutenu par la majorité et l'UDI, le Front de gauche et l'UMP ayant appelé à l'abstention.
Le texte veut anticiper l'application du compromis intervenu en décembre entre les 28 Etats membres de l'UE qui doit encore être confirmé par un accord avec le Parlement européen, pour une entrée en vigueur en 2016.
La proposition de loi instaure, comme dans l'accord européen, le principe de « responsabilité solidaire » qui permettra de poursuivre un donneur d'ordre pour des fraudes relevant d'un de ses sous-traitants ayant recours à des travailleurs détachés.
Mais elle va au-delà, puisque la responsabilité solidaire couvrira non seulement le BTP mais aussi tous les autres secteurs fortement concernés par le détachement (agroalimentaire, transport, etc.), ce qui n'est que facultatif dans le compromis européen.
Le texte met aussi en place une liste noire sur internet, où pourront figurer pendant deux ans, sur décision du juge, les entreprises ayant été condamnées pour « travail illégal » à une amende de plus de 15.000 euros.
Une directive qui n'est plus adaptée
La directive de 1996 prévoit que le « noyau dur » des règles du pays d'accueil s'applique (salaires, conditions de travail...) lors du détachement d'un travailleur dans un pays de l'UE même si les cotisations sociales restent dues dans le pays d'origine.
Mais son respect est difficile à contrôler par l'Administration et elle fait l'objet de fraudes de toutes sortes qui se sont aggravées avec l'élargissement de l'UE à l'est et avec la crise économique.
Des agences d'intérim se spécialisent dans l'introduction de main-d'œuvre étrangère à des prix défiant toute concurrence, certaines entreprises facturent à leurs salariés détachés des frais d'hébergement pour compenser le salaire versé en France, d'autres sociétés emploient des travailleurs français via une filiale « boîte aux lettres » dans un pays à faibles cotisations, etc.
Sans parler des travailleurs non-déclarés, aussi nombreux semble-t-il que les déclarés (environ 160.000 Européens en France en 2012 alors qu'environ autant de Français sont détachés dans l'UE).