Les députés ont renforcé mardi soir contrôles et sanctions contre les entreprises ayant recours de manière abusive à des travailleurs détachés à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi du PS « contre le dumping social ».
Ce texte, qui sera voté le 25 février 2014 et vise à anticiper l'application d'un accord européen, a été soutenu par la majorité mais aussi les centristes. « Il faut démontrer que l'Europe peut être source de protection. Ce sont bien les modalités et non le principe du détachement des travailleurs qui est en cause », a souligné l'UDI Michel Piron.
La directive européenne de 1996 sur le détachement des travailleurs prévoit que le « noyau dur » des règles du pays d'accueil s'applique (salaires, conditions de travail...) même si les cotisations sociales restent dues dans le pays d'origine. Mais elle a fait l'objet de fraudes de toutes sortes qui créent des cas de concurrence déloyale dans de nombreux secteurs (BTP, transport routier, agroalimentaire, etc.).
Ainsi, certaines entreprises facturent à leurs salariés détachés des frais d'hébergement et de nourriture pour compenser le salaire versé en France ; d'autres sociétés, françaises ou étrangères, emploient des travailleurs français via une filiale « boîte aux lettres » dans un pays à faibles cotisations.
« Ce qui est en cause, c'est l'émergence potentiellement dévastatrice de pratiques d'optimisation sociale qui se traduit par un véritable négoce de travailleurs détachés low cost », a souligné le rapporteur, Gilles Savary (PS).
La proposition de loi instaure, comme dans l'accord européen, le principe de « responsabilité solidaire » qui permettra de poursuivre un donneur d'ordre pour des fraudes relevant d'un de ses sous-traitants ayant recours à des travailleurs détachés.
Selon des amendements adoptés mardi, le donneur d'ordre devra contraindre, sous peine d'amende, son sous-traitant à respecter le code du travail quand un manquement lui est signalé par un contrôleur. Il sera en particulier tenu de payer les salaires et d'assurer l'hébergement digne des travailleurs de son sous-traitant si ce dernier ne l'a pas fait après avoir été contrôlé.
« Il trop rare que l'Assemblée puisse susciter à la fois la satisfaction des salariés et des employeurs. Seuls les exploiteurs tricheurs ont quelque chose à perdre ici », a jugé le socialiste Richard Ferrand.
Le texte met aussi en place une liste noire sur internet où pourront figurer, sur décision du juge, les entreprises ayant été condamnées pour « travail illégal » à une amende de plus de 15.000 euros. Les députés ont porté la durée d'inscription sur cette liste de un à deux ans. Ils ont instauré une peine complémentaire leur interdisant toute aide publique pendant cinq ans.
« Cette liste noire, c'est Big Brother qui revient. Sa publication sur internet pose un problème. C'est une publicité extrêmement négative pour une entreprise qui peut avoir dans l'intervalle changé de gérant », a jugé l'UMP Dominique Tian.
« Même si ce texte comporte quelques avancées, le groupe UMP s'abstiendra car le vrai problème de la France, c'est le coût du travail », a-t-il ajouté.