La filière des bovins à viande pâtit d'un « contexte structurellement défavorable ». Mais elle pèche aussi par manque d'anticipation, d'organisation et de sens du collectif, souligne un rapport du ministère de l'agriculture mis en ligne le 12 juin 2015.
« Les filières des bovins à viande sont souvent considérées comme un tout. Or elles se déclinent pourtant en des produits et des modes de production variés, néanmoins techniquement imbriqués et servent un marché des viandes encore trop indifférencié », analyse le CGAAER (1). « De la même manière, les exploitations qui mettent en œuvre ces productions dégagent un revenu régulièrement le plus faible de l'agriculture française, impacté, dans un contexte de volatilité accrue des prix agricoles, par la plus ou moins grande spécialisation des exploitations (notamment par effet diluant favorable ou défavorable des grandes cultures). »
« Les cours bas des viandes, l'effritement régulier des exportations de broutards vers l'Italie, l'embargo russe, la baisse draconienne du cours des céréales, des besoins de recherche de productivité, le renforcement des normes environnementales conduisent à des difficultés conjoncturelles des exploitations concernées d'autant plus fortement ressenties dans un contexte de revenus structurellement au plancher. Encours chez les fournisseurs, défauts de trésorerie, ré-étalement des cotisations de MSA et, en dernier recours, décapitalisation par réduction des cheptels naisseurs, constituent des marqueurs de cette situation, sans qu'un profil type ne se détache. »
Des éleveurs entre « morosité » et « désarroi »
« Les éleveurs manifestent également une morosité palpable. Le désarroi est alimenté par l'échéance de la mise en œuvre de la nouvelle PAC, dont les éléments concrets et définitifs ont tardé à être arrêtés. Outre la préoccupation de déclaration PAC à déposer pour début juin, cette situation perturbe la prévision, l'emblavement, la mise en place des prêts de campagnes, etc. »
« Dans un contexte structurel de « massification » des viandes bovines, peu segmentées (..) , la viande issue du troupeau laitier fournit près de 40 % des viandes bovines. Le coproduit qu'elle constitue contribue fortement au prix des viandes. »
Dans un tel contexte, recommande le rapport, « la filière devrait s'engager dans une forme d'anticipation, d'offensive et d'organisation beaucoup plus marquée. Avec l'appui des pouvoirs publics, et à condition de s'appuyer sur sa force collective, elle peut se donner des perspectives :
- reconquérir son marché intérieur (guide RHF / mention VBF / origine des viandes en plats préparés / communication générique) ;
- se montrer résolument offensive pour s'assurer - dans la durée - de nouveaux marchés de maigres, de gras ou de viandes, notamment méditerranéens, y compris en y investissant pour réguler l'écoulement de broutards ;
- se doter d'outils modernes de mise en production et de mise en marché (contractualisation, regroupement de l'offre / dispositifs de décision experts / dispositifs d'anticipation des crises) ;
- mieux organiser son dialogue interne et notamment inclure un interlocuteur laitier plus attentif à la question des viandes. »
Un « cumul de dispositions complexes et démotivantes »
« Les pouvoirs publics sont attendus pour permettre l'étalement, voire l'exonération des taxes et des charges sociales des exploitations les plus en difficulté sur le secteur spécialisé des viandes bovines, communiquer sur les nouvelles dispositions de la Pac et finaliser les dispositions de mise aux normes en zone vulnérable. »
Les filières des viandes « s'interrogent enfin sur les liens susceptibles d'être établis entre le développement des GIEE (2), la rénovation des bâtiments d'élevage incluant notamment les questions de mise aux normes, le développement du photovoltaïque et de collectifs de méthanisation, dont la mise en œuvre leur paraît engluée dans un cumul de dispositions complexes et démotivantes. »
« Le sens du collectif fait défaut »
« Mais ces dispositions ne sauraient suffire à relever le défi d'organisation que la filière de la viande appelle : de l'anticipation, de l'organisation et le sens du collectif, qui font encore trop souvent défaut. »
Conclusion du rapport : « Le secteur de la production de viande spécialisé va mal. Il vit un moment difficile dans un contexte structurellement défavorable. Plutôt que de traiter les questions de long terme dans l'urgence, les missionnaires suggèrent de profiter des dispositions « encore favorables » pour structurer ces filières et engager les évolutions de fond qui s'imposent ».
« À cet égard, l'établissement d'un diagnostic partagé entre tous les acteurs interprofessionnels constitue la première étape d'une démarche qui doit être plus collective, plus offensive et plus prospective. »
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(1) CGAAER : Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (ministère de l'agriculture).
(2) GIEE : Groupement d'intérêt économique et environnemental.