Les éleveurs bovins bloquaient une quinzaine d'abattoirs à travers la France lundi, soit environ la moitié de la capacité du secteur, dans l'espoir d'obtenir une revalorisation des prix de la viande bovine, deux jours avant une réunion au ministère de l'Agriculture.
En milieu de journée, la FNSEA, à l'origine du mouvement, recensait 16 abattoirs bloqués, et espérait grimper à 20 d'ici à mercredi. Les sites concernés sont « de grande capacité », représentant à peu près « la moitié de la capacité d'abattage française », selon Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine (FNB).
« La raison, c'est la baisse de 20 % par rapport au prix payé producteur il y a 12-15 mois, alors [...] qu'il n'y a pas de surproduction », a expliqué à l'AFP Dominique Barrau, secrétaire général de la FNSEA. Selon lui, transformateurs et distributeurs font baisser les prix à un point tel que le revenu des producteurs de viande bovine a chuté à « 11.000 ou 12.000 euros par an ».
Dans les Pays de la Loire, quatre abattoirs étaient bloqués lundi, la plupart depuis dimanche soir.
Quelques dizaines d'agriculteurs à chaque fois ont organisé le blocage en apportant à l'aide de tracteurs des pneus, gravats ou palettes, pour fermer les accès des abattoirs aux animaux vivants qui auraient dû commencer à y arriver à partir de lundi matin. Dans certains endroits, des troncs d'arbres ont été aussi employés pour barrer la route tandis que des tentes étaient dressées pour abriter les agriculteurs de la pluie.
Dans le Centre-Est, le plus gros abattoir du Massif central était bloqué dans l'Allier, ainsi qu'un établissement de l'entreprise Bigard à Cuiseaux dans la Saône-et-Loire et un à Roanne. A Feignies (Nord) comme à Cuiseaux, plusieurs dizaines de producteurs empêchaient toute entrée ou sortie de camions.
« Le toujours moins cher a ses limites »
Une bonne partie des éleveurs compte maintenir le blocage jusqu'à mercredi, voire le prolonger s'ils ne sont pas satisfaits du résultat de la table ronde prévue ce jour-là entre les professionnels du secteur (producteurs, abattoirs et distributeurs) au ministère de l'Agriculture.
Pour Christian Bajard, responsable syndical dans la Saône-et-Loire, « l'objectif est de renégocier une feuille de route pour rebâtir des prix [de vente] qui prennent en compte les coûts de production parce qu'actuellement, nous vendons en dessous des coûts de production ». « Le toujours moins cher a ses limites », ajoute-t-il.
Les éleveurs bovins, qui disent avoir été rejoints à Cuiseaux par des éleveurs de volailles, se sont dit solidaires de la filière porcine, qui connaît des difficultés similaires.
Dans les Deux-Sèvres, des éleveurs ont déversé du fumier devant l'abattoir de Bressuire.
« D'ordinaire, on cible la grande distribution, mais cette fois on s'est tournés vers les industriels, qui se battent entre eux, sur notre dos, pour arracher des marchés à la grande distribution », a souligné Jean-Pierre Fleury. « Aujourd'hui, ce qu'on veut, c'est rallier les industriels, qu'ils reconnaissent nos difficultés et qu'ils s'engagent avec nous », résume-t-il, espérant un engagement des abattoirs à fixer leurs propres prix, « plutôt que de se les laisser dicter » par la grande distribution, qui tire les prix vers le bas.
A la mi-mai, une première réunion sur le sujet avait tourné court. Elle avait déjà incité les éleveurs à mener des opérations coup-de-poing dans plusieurs abattoirs. Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, en avait alors appelé « à la responsabilité de chacun » et demandé aux participants de formuler « des propositions concrètes ».
Le Groupement des Mousquetaires (Intermarché) a annoncé la semaine dernière sa décision d'augmenter ses prix d'achat auprès des éleveurs bovins et porcins en crise. Pour le bœuf, l'augmentation serait de 5 centimes/kg par semaine.
« On peut comprendre cette réévaluation progressive des cours, jusqu'à atteindre les coûts de production. Ça ne peut pas se faire d'un seul coup », approuve Jean-Pierre Fleury. Mais, relève-t-il, « pour le moment, Intermarché est la seule enseigne à être sortie du bois : chez les autres, c'est silence radio ».