Dépourvue de salaire minimal légal, l'Allemagne est accusée de dumping social dans ses abattoirs où sont employés à bas prix des Européens de l'Est, à la grande colère de ses voisins.
A la mi-janvier, la filière française de la viande, excédée par ce qu'elle considère comme une distorsion de la concurrence, a annoncé avoir déposé une plainte auprès de la Commission européenne.
Il y a « dans les abattoirs allemands un recours massif à de la main-d'œuvre étrangère en provenance plus particulièrement de la Pologne, de la Hongrie, de la Roumanie, de la Bulgarie, de l'Ukraine, voire de la Russie, à des taux de salaires extrêmement bas », inférieurs à ceux des salariés allemands, avait déclaré Pierre Halliez, directeur du Syndicat des entreprises françaises des viandes (Sniv-SNCP).
Une vision partagée par les Danois. Le président du Syndicat des produits alimentaires, NNF, Ole Wehlast, s'est dit « indigné par le dumping social en Allemagne ». Il accuse les abattoirs de ce pays de « pratiquer des prix trois fois moins chers qu'au Danemark », entraînant des « compressions d'effectifs dans les abattoirs danois ».
Pierre Halliez estime, de son côté, la différence de prix entre la France et l'Allemagne induite par cette situation à 5 centimes d'euro par kilogramme de viande de porc et 8 centimes par kilogramme de viande de bœuf.
En Allemagne, les syndicats de salariés sont montés au créneau, réclamant aux politiques un salaire minimal pour toute la branche.
« Dans l'industrie de la viande, l'Allemagne est devenue le pays du dumping social comparé aux autres pays européens », constatait récemment Claus-Harald Güster, vice-président du syndicat allemand de branche de l'alimentation et la restauration (NGG), dans un entretien télévisé.
Actuellement, seulement entre 10 et 50 % des salariés des abattoirs en Allemagne sont employés directement par des firmes allemandes, a estimé Bernd Maiweg, responsable du secteur de la viande du NGG.
Le reste du personnel est salarié à moindre prix de sous-traitants dont le siège se trouve en Europe de l'Est.
Selon Bernd Maiweg, les salariés d'un employeur allemand sont payés entre 12 et 15 euros bruts de l'heure, ceux venus de l'Est entre 8 et 5 euros. Généralement, plus l'abattoir est grand, plus il a recours à cette main-d'œuvre à bon marché, ajoute-t-il.
La Fédération allemande de la viande (VDF) – représentant plus de 200 entreprises du pays – a estimé « infondées » ces accusations de dumping social.
« Il est très difficile de trouver des Allemands intéressés par ce travail physiquement très dur, effectué dans un milieu froid et humide. Nos entreprises sont donc forcées de faire appel aux nombreuses firmes d'Europe de l'Est qui proposent leur aide », s'est expliqué Rainer Weidmann, codirecteur du VDF.
Il assure que les salariés venus de l'Est ne sont pas payés en dessous de 14 euros.
Les entreprises aleemandes appuient sur la directive européenne des services qui permet aux entreprises de pays entrés dans l'Union européenne en 2005 de proposer leurs prestations à l'Ouest tout en maintenant les tarifs pratiqués chez elles.
Rainer Weidmann donne ainsi ce conseil : « Les abattoirs français pourraient faire de même. » Sauf qu'en France, il existe un salaire minimal.