Le parquet du tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône (Rhône) a réclamé, mardi, de 700 à 5.000 euros d'amende contre une cinquantaine de viticulteurs, poursuivis pour achat de sucre sans facture et falsification de denrées. Ces viticulteurs sont accusés d'avoir participé à un trafic de sucre entre 2004 et 2006.
L'affaire avait été révélée à la fin de 2007. Les 600 tonnes en question, pour plusieurs centaines de milliers d'euros, étaient destinées à corriger un manque de sucre dans les raisins du Beaujolais lors de ces campagnes, afin d'augmenter le degré alcoolique du vin: c'est la chaptalisation.
Cette pratique est légale mais très encadrée. La plupart des viticulteurs sont poursuivis pour avoir surchaptalisé, c'est-à-dire dépassé la quantité de sucre autorisée, et enrichi ainsi de 2 à 3 degrés leurs vins, contre 2 degrés autorisés au maximum, en 2004.
Bon nombre d'entre eux ont reconnu avoir augmenté le degré alcoolique de 2 à 2,5 degrés. «En toute bonne foi», a indiqué Interbeaujolais, l'interprofession viticole locale. Car ils espéraient obtenir la dérogation à 2,5 degrés demandée par les organismes professionnels en raison de la forte pluie qui a marqué le millésime 2004, et prévue dans ces cas là pour le Beaujolais et la Bourgogne.
Et même selon Interbeaujolais, seules 20 à 30 tonnes auraient été utilisées pour chaptaliser. L'organisation ne s'est même pas portée partie civile, estimant qu'il n'y a pas eu fraude.
«Le réquisitoire peut être considéré comme modéré» à l'encontre des viticulteurs, a estimé Me Michel Desilets, un avocat mandaté par la FDSEA pour défendre 42 des producteurs inculpés lors de ce procès. Il a tout de même regretté une interprétation «hyperrigide» de la législation encadrant les ajouts de sucre.
Pour la Confédération paysanne, qui s'est portée partie civile «afin de s'élever contre ces pratiques frauduleuses», ce procès «ne doit pas être celui de quelques vignerons isolés dans leur cuverie, mais au contraire le procès de la chaptalisation et de ses dérives». Le syndicat demande «à l'ensemble du monde viticole d'AOC, d'avoir le courage, à l'issue de ce procès, de mettre le dossier en débat».
Les amendes les plus lourdes, de 50.000 à 100.000 euros, ont été requises contre les quatre magasins Intermarché du Rhône Alpes qui avaient vendu le sucre sans facture. Trois mois de prison avec sursis, assortis d'amendes allant de 10.000 à 15.000 euros, ont été réclamés par le parquet contre quatre directeurs impliqués dans le trafic.
A l'encontre des deux principaux intermédiaires, un transporteur et un marchand de produits pour la viticulture à la retraite, le parquet a demandé respectivement 12 et 15 mois de prison avec sursis, ainsi que 30.000 euros d'amende chacun.
La Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV), association de consommateurs, réclame de son côté 80.000 euros de dommages et intérêts et la publication du jugement, soulignant «l'ampleur du trafic, délibérément organisé pour s'affranchir de règles qui visent à protéger les consommateurs».
Le jugement a été mis en délibéré au 17 mars 2009.