Installé en 1991 à Bouvesse-Quirieu, dans l'Isère, Jean-Yves Colomb a opté très vite pour le travail en groupe. « Dans notre secteur de production de semences de maïs, la nécessité d'isoler les cultures nous a amenés en 1992 à démarrer un îlot en commun. Très rapidement, il a été décidé d'effectuer les semis collectivement. »
A la même époque, le renouvellement d'une tonne à lisier chez un agriculteur du groupe a constitué le point de départ de la Cuma de Faverges. Vingt et un ans plus tard, cette dernière réalise un chiffre d'affaires annuel de 250.000 euros et regroupe vingt exploitations.
Cinq d'entre elles travaillent en Cuma intégrale (dont une en céréales bio) et quatre en assolement partiel commun, dont celle de Jean-Yves et Martial Perraudin, associés en EARL sur 110 ha de terres cultivées (60 % en semences hybrides contractualisées).
Les semences hybrides uniquement
« Seules les interventions liées à la culture de semences hybrides sont réalisées collectivement, précise Jean-Yves. Les céréales classiques sont du domaine de chacun. Nous avions tous envie de conserver une certaine indépendance en matière de décision. »
Cette année, 220 ha de maïs semences seront cultivés en commun, ce qui représente 55 ha par exploitation (contre 34,5 ha l'an passé). Une surface qu'il n'aurait pas pu contractualiser seul. Malgré l'efficacité supplémentaire attendue en termes de travail, les membres du groupe ont refusé de spécialiser les hommes selon les machines ou le type d'intervention.
« Nous ne voulions pas d'une organisation hyperpointue. Du semis à la récolte, nous organisons les travaux ensemble à partir d'un programme de travail hebdomadaire établi collectivement le lundi matin. La confrontation des besoins de chacun fait l'organisation de la semaine. Si l'on est absent (pour maladie, par exemple), on sait que ça se sèmera quand même. C'est une sécurité. En cette période de semis, les ajustements se font au quotidien. »
Le matériel d'irrigation et le battage (opéré par entreprise) sont gérés individuellement. Cette organisation établie depuis vingt ans satisfait les agriculteurs. « Sans être dans un niveau de suréquipement, nous sommes plutôt en avance dans l'organisation des chantiers. »
Partage de compétences
La Cuma, considérée comme devant être la « synthèse des projets de chacun », est également gérée dans un esprit de partage de compétences et de moyens. Les factures varient entre 100.000 et 45.000 euros par an (autour de 37.000 euros pour les adhérents en Cuma intégrale).
Trouver un équilibre entre les besoins individuels et collectifs exige d'anticiper et de cultiver au quotidien la confiance au sein du groupe. « C'est un travail lourd de gestion des relations humaines. Mais il est contrebalancé par les avantages à travailler ensemble. »
Outre l'accès à du matériel moderne et efficace, le collectif aide à avancer. « Avoir des visions différentes fait notre force. Certains sont plus en alerte sur les questions d'environnement ou les enjeux économiques, d'autres sont plus ouverts aux aspects organisationnels. Cela évite de faire de certaines évolutions réglementaires ou sociétales des points de blocage. »
Travailler en groupe constitue aussi une aide dans la diffusion de nouvelles techniques (utilisation du GPS, binage, techniques simplifiées...). D'ici quelques années, certains des quatre chefs d'exploitation impliqués dans l'assolement partiel commun et dans la Cuma intégrale partiront à la retraite. Tous n'ont pas de succession familiale. La question du renouvellement est donc posée.
« L'objectif est de conserver le potentiel de production de maïs semences, moteur économique des exploitations », précise Jean-Yves. Chez lui, la marge semi-nette (sans charges de structure) s'élève sur treize ans à 1.451 €/ha, soit plus de trois fois la marge d'un maïs irrigué du secteur (433 €/ha).
L'exploitation
• EARL : 2 associés avec 0,5 salarié en groupement d'employeurs.
• SAU : 132 ha, dont 110 ha cultivés et 21 ha de jachères et bandes enherbées ; 66 ha de cultures de semences hybrides (55 ha de maïs, 5 ha de tournesol et 5 ha de colza), le reste en soja, maïs, orge, millet, et blé de qualité.
• Chiffre d'affaires : 370 000 e, soit 2 775 €/ha (2,5 fois plus que le groupe grandes cultures de la région).
• EBE 2010-2011 : 152 000 € (142 000 € en 2009-2010, 108 000 € en 2008-2009).
• Mise en commun : semences de maïs, de tournesol et de colza.
Société en participation : un cadre possible
Depuis 2005, l'assolement en commun est ouvert à tous les agriculteurs, installés en individuel ou en société. Pour éviter la fusion de ces entités, tout en étant en conformité avec le statut du fermage, la mise à disposition du foncier peut intervenir via une société « allégée » : la société en participation (les agriculteurs de Faverges n'ont pas fait ce choix).
Non dotée de la personnalité morale, son champ d'action est limité : elle n'est pas immatriculée, ne peut posséder de patrimoine, etc. Le compte bancaire est détenu collectivement par les associés ou par le gérant. Ce dernier, au nom de la société, gère l'assolement, paie les approvisionnements et commercialise les produits.
La déclaration Pac peut être unique pour la société ou demeurer individuelle pour chaque exploitation. Les entreprises de départ conservent ainsi leur autonomie juridique. (Arielle Delest)
Formations continues : la cohésion dans la durée
Depuis la création de la Cuma de Faverges en 1991, 2 millions d'euros ont été investis dans le matériel et les hangars. Le niveau d'exigence des responsables a contribué à sa pérennité. Les stages mis en place dès la construction d'un hangar commun, en 1997, ont permis de déterminer la taille optimale du parc matériel et de vérifier que ses membres allaient bien dans le même sens.
En 2010, lors d'un stage « feuille de route », vingt-sept actions ont été définies : des plus concrètes (« Comment améliorer la mise en route d'un nouveau matériel ? ») aux plus prospectives (« Va-t-on plus loin qu'un assolement partiel commun ? »).
« Ces sessions ont permis d'établir de bonnes fondations pour notre collaboration, estime Jean-Yves Colomb, le trésorier de la Cuma. Nous avons appris à nous dire les choses et à accepter que les autres fassent d'autres choix. Avec le recul, je ne pense pas que la Cuma fonctionnerait dans le même état de motivation et de bonne entente, si nous n'avions pas entrepris cette démarche. Il n'est pas sûr que nous serions en train de construire un second hangar aujourd'hui. Beaucoup d'événements tels que la reprise des terres peuvent fragiliser les liens entre les hommes. »
La Cuma a permis de passer des caps délicats et de garder l'attrait du métier en étant toujours dans le « mode projet ». Alors que le prix de l'énergie flambe, de nouveaux défis se profilent. « Si la tendance se confirme, il faudra simplifier les systèmes et réduire le nombre de passages dans les parcelles. La Cuma permet de partager ces enjeux, de tester des réponses et d'engager des moyens appropriés. ». Tout en restant maître de ses choix.
Groupement d'employeurs : la souplesse en plus
Très technique, la culture de maïs semences exige le recours à de la main-d'œuvre occasionnelle l'été (80 personnes à temps partiel). Celle-ci est gérée par le groupement d'employeurs créé en 1995. Le fait d'avoir deux salariés ainsi qu'une banque de travail apportent la souplesse nécessaire à la conduite de l'assolement partiel commun. Tout le monde note tous les jours ce qu'il fait (comptabilité de la Cuma, entretien du matériel, remplacement chez un adhérent...). Les comptes sont soldés en fin d'année.
Anne Bréhier (publié le 4 mai 2012)
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