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Article 4 :

Eleveurs : ce qui peut se négocier avec votre banque

Le gouvernement n'a pas l'intention d'intervenir et renvoie les éleveurs à leurs banques pour résoudre leurs difficultés financières. Puisqu'elles ont promis de jouer le jeu, voici un tour d'horizon des solutions imaginables.

Il y a un an, en 2010, alors que l'agriculture sortait sur les rotules de la campagne de 2009, l'Etat lançait un plan de soutien général, pour que toutes les filières « passent le cap » à grand renfort de prêts de trésorerie à taux bonifiés.

Aujourd'hui, la situation s'est améliorée et l'agriculture française a presque partout retrouvé des couleurs... sauf dans les filières bovine et porcine où des centaines d'éleveurs nagent en plein marasme. Leurs charges explosent, les prix de vente ne suivent pas, l'avenir est incertain...

« La trésorerie est hypertendue, il me manque 25.000 euros de fonds de roulement que je ne parviens pas à retrouver, s'attriste Joël Piganiol, jeune éleveur allaitant dans le Cantal. Depuis 2008, Les prêts à court terme pour passer les crises coûtent cher et ne règlent rien. Il faut une solution de fond, un report d'annuité et des prix rémunérateurs. »

Joël fait partie des récents investisseurs qui ont cru en demain et modernisé leur entreprise. Aujourd'hui, un EBE (excédent brut d'exploitation) dégradé ne leur permet plus de faire face aux annuités.

 

Aménagements personnalisés

Combien sont-ils à se battre avec leurs comptes à découvert ? A en croire les banques, « il n'y a pas de crise systémique de la filière, mais des situations individuelles difficiles ».

Les conséquences selon les exploitations sont hétérogènes, expliquent-elles : la réponse doit donc être adaptée et personnalisée. Une explication dont s'est immédiatement emparé le gouvernement pour justifier qu'il n'y aura pas de plan d'urgence pour tous, mais des traitements « au cas par cas ».

« Il n'y aura pas d'année blanche, ou de report d'annuité de manière uniforme », a averti Bruno Le Maire, après avoir rencontré, avec la ministre de l'Economie Christine Lagarde, les cinq principales banques le 7 mars dernier.

« Elles se sont engagées formellement à traiter les dossiers pour trouver des solutions » comme des « aménagements de durée ou le report d'échéances », a-t-il assuré.

Même pour les prêts bonifiés ? A priori, rien ne l'empêche, a répondu un conseiller de Christine Lagarde. Tout est donc imaginable... Il reste à convaincre son partenaire financier !

 

Gare au « rafistolage » avec le court terme

La première chose à faire pour rassurer le banquier consiste à lui prouver que les « fondamentaux » sont bons (la maîtrise technique et la gestion). Puis d'estimer un EBE tendanciel pour 2011 et les prochaines années à partir de l'EBE moyen de l'exploitation et des prix attendus cette année.

Ensuite, selon les cas, plusieurs aménagements financiers, à court ou moyen terme, sont envisageables.

Le prêt de trésorerie, pour quelques mois à un an, doit s'adapter au cycle d'exploitation. La banque consentira ce financement s'il y a une rentrée d'argent certaine : en avance sur récolte, sur primes Pac ou dans l'attente d'une vente de broutards.

Les éleveurs qui ont autofinancé le croît de cheptel peuvent négocier son refinancement par la banque. Celle-ci pourra alors demander un warrant sur les animaux, voire (attention !), une garantie sur du foncier déjà payé ou sur des biens privés.

Pour cette année, obtenir un prêt court terme ou augmenter le découvert autorisé permettra de sortir la tête de l'eau, payer les dettes fournisseurs pressantes et tenir jusqu'à l'automne. C'est une solution intéressante, à condition que la conjoncture s'améliore effectivement (voir l'option 1 dans la simulation ci-dessous). Sinon, elle n'aura fait que repousser le problème et l'éleveur se retrouvera dans les mêmes difficultés en 2012.

Si des problèmes de rentabilité existent, injecter de l'argent frais de manière récurrente ne pourra qu'aggraver la situation, mettent en garde des conseillers de gestion interrogés.

Ceux qui ont des emprunts qui s'éteignent prochainement peuvent essayer de transformer plusieurs emprunts de court terme en un seul emprunt à moyen terme : c'est la consolidation, qui redonne une bouffée d'oxygène à la trésorerie (voir l'option 2 de la simulation). Les taux sur sept à douze ans sont encore relativement bas, à 4 % hors assurance et frais de dossier (contre 3,5 % en 2010).

 

Alléger les annuités

Les annuités d'emprunts ne devraient pas représenter plus de la moitié de l'EBE pour qu'il reste à l'éleveur de quoi vivre et faire face aux imprévus. Chez beaucoup d'éleveurs, l'EBE de 2011 sera insuffisant. Leur seule option est d'alléger les échéances, par exemple en réétalant les remboursements. A étudier annuité par annuité avec le banquier.

Depuis plusieurs années, certains établissements proposent des prêts à échéances modulables. C'est le moment de négocier une diminution d'échéance pour alléger les remboursements en 2011.

Les modifications sont gratuites ou payantes, selon les modalités de l'emprunt. Cette solution sera moins coûteuse qu'un report, même partiel, car l'éleveur continue à rembourser une part de capital.

 

Reporter en fin de tableau

C'est l'option la plus séduisante : l'annuité (ou une partie) est décalée en fin de prêt. Il n'y a donc pas de surcharge en 2012 (voir l'option 3)... Le report total est certes très confortable, mais son coût est très important, surtout s'il est réalisé tôt dans la vie du prêt (quand la part des intérêts est la plus grande). Il faut donc lui préférer le report partiel, également moins coûteux en fin de vie du prêt.

 

Utiliser la médiation

Il y a beaucoup de possibilités. Il reste à savoir si les banques joueront le jeu comme elles l'ont promis.

Pour les syndicats, laisser les éleveurs se débrouiller seuls face aux banquiers, c'est de la démission. Ils craignent des traitements à la tête du client et des rafistolages à coup de prêts court terme...

Pour assurer leur défense, les éleveurs pourront compter sur un correspondant départemental du médiateur du crédit, spécialisé dans le financement des exploitations agricoles. Un dispositif efficace, jusque-là utilisé de façon marginale, qui pourrait être utile en cas de désaccord avec la banque sur les financements.

 

 

 

NOTRE SIMULATION

Le report d'annuités en fin de tableau,
une solution quand l'EBE est insuffisant... mais coûteuse

François n'a plus de trésorerie et a besoin de 30.000 € pour payer ses dettes fournisseurs. Il a confiance dans son entreprise et va voir sa banque.

A court terme, son ouverture de crédit de 30.000 € est utilisée au maximum.

A moyen terme, il doit 25.000 € d'annuités de trois emprunts arrivant à échéance en 2020. Il prévoit un EBE de 50.000 € en 2011 (contre 70.000 € en moyenne).

 

Option 1 – La banque propose un prêt court terme de 30.000 € à 6 % sur 10 mois, calé sur le paiement des aides Pac. François mise sur une amélioration de la conjoncture.

POINT POSITIF : Il peut payer ses fournisseurs.

POINT NEGATIF : Il devra rembourser ce nouvel emprunt en janvier 2012, soit 31.500 € : le capital + 1.500 € d'intérêts (30.000 € x 6 % x 10/12). Si la situation ne s'améliore pas dans l'année, il aura de nouveau des difficultés financières en janvier prochain. Enchaîner les emprunts à court terme crée une situation précaire, avec un risque pour la pérennité de l'exploitation.

 

Option 2 – La banque accepte un prêt de consolidation de 30.000 € sur 5 ans à 4 % pour résorber sa ligne de crédit. En avril 2012, il devra rembourser une annuité de 6.700 €, jusqu'en 2016.

POINT POSITIF : Il peut payer ses fournisseurs. Le fonds de roulement est reconstitué. François a moins de pression à court terme. Cette option n'est retenue que lorsque certaines annuités s'arrêtent rapidement.

POINT NEGATIF : Ses annuités à moyen terme passent à 25.000 € + 6.700 € = 31.700 €. Avec un EBE de 50.000 €, c'est 63 % de la richesse créée qui part à la banque. C'est le maximum qu'il peut supporter financièrement, car il ne lui restera plus que 18.300 € pour vivre, autofinancer et faire face à l'imprévu. Si la situation ne s'améliore pas, il aura de nouveau des tensions de trésorerie en avril prochain.

 

Option 3 – La banque accepte un report partiel des annuités des emprunts moyen terme en fin de tableau d'amortissement, soit après 2020. L'échéance de 25.000 € est partiellement « repoussée ». En 2011, François paiera l'assurance des prêts et les intérêts dus au titre de 2011 (11.000 €).

POINT POSITIF : François déboursera 11.000 € en 2011 (au lieu de 25.000 €), soit un « gain de trésorerie » de 14.000 €. Cela baisse la pression des annuités, sans créer d'annuités supplémentaires.

POINT NEGATIF : Cette opération lui coûtera 11.000 €. Il doit compter un délai pour faire un avenant au contrat de prêt initial. Le remboursement de 25.000 € est prolongé d'un an, à 2021. Cela retardera donc d'éventuels investissements prévus en 2020. Attention ! Si François demandait un report total, sans rien payer en 2011, le coût total de l'opération serait très élevé et la durée de remboursement s'allongerait de deux ans !

 

 

Qui contacter ?

Centre de gestion, syndicat, Solidarités paysans.

MSA : service de recouvrement ou travailleurs sociaux (étalement des dettes, prise en charge).

• Chambre d'agriculture, DDT pour Agridiff.

• Tribunal de grande instance. Procédures judiciaires pour tenir les créanciers à distance.

1. Règlement amiable : un conciliateur trouve un plan d'apurement des dettes. Les remboursements sont gelés pendant deux, trois mois.

2. Sauvegarde : avant d'être en cessation de paiement, déposer une déclaration de sauvegarde au TGI. Elle suspend les poursuites des créanciers pendant six à douze mois.

3. Redressement.

4. Liquidation judiciaire.

 

par Sophie Bergot

(publié le 18 mars 2011)

 



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