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Grands dossiers

Article 7 :

Employeur, un métier en soi

Face à l’agrandissement des exploitations, de plus en plus d’éleveurs sont surchargés de travail. Le recours à la main-d’oeuvre extérieure est une manière de se dégager du temps. Devenir employeur est presque un métier en soi. En effet, il requiert de multiples qualités: autorité, écoute, pédagogie, capacité à communiquer, confiance, etc. Peu nombreux sont les agriculteurs qui ont toutes les compétences pour encadrer une personne dès la première embauche. Mais tous peuvent l’apprendre. Dans certains départements, il existe même des formations mises en place par la chambre d’agriculture.  

On s’aperçoit que l’une des clés pour devenir un bon employeur est d’établir une bonne relation avec son salarié. Même si les agriculteurs sont de plus en plus habitués à travailler en groupe, grâce notamment aux formes sociétaires de type Gaec, l’embauche impose un lien supplémentaire, celui de la hiérarchie. A l’agriculteur d’instaurer une relation gagnant-gagnant pour conserver son salarié à long terme. Ce dernier est en effet devenu beaucoup plus exigeant. Il n’hésite plus à présent à changer d’exploitation dès que son travail ne lui plaît plus.

 

- 28% des élevages emploient un salarié

- Trois questions à Patricia Bresteaux , conseillère en emploi à la chambre d’agriculture de la Mayenne

- Un guide pour améliorer les relations

- Témoignage du Gaec de l'Ourzaie , éleveur dans le Maine-et-Loire

- Le PEE , un système d'épargne collective

- Témoignage d'Eric Leroy , éleveur dans l'Orne

- La visite médicale est obligatoire

- Comment évaluer les risques liés à l’exploitation

 

 

 

Avant l’embauche, les bonnes questions à se poser

 

Le futur employeur doit mener une réflexion complète avant de recruter, afin de mettre toutes les chances de son côté pour trouver la bonne personne.

 

« Cela peut paraître paradoxal, mais un agriculteur surchargé de travail va devoir se dégager du temps avant d’embaucher », explique Patricia Bresteaux, conseillère en emploi à la chambre d’agriculture de la Mayenne. Le recrutement ne sera en effet que le point d’orgue d’une réflexion engagée en amont par le futur employeur. En se posant les bonnes questions, il se donnera toutes les chances d’embaucher la personne correspondant à ses besoins.

 

Comment est organisé le travail?

Avant de penser à embaucher un salarié, il est souvent judicieux de réaliser un diagnostic global de l’exploitation. Celui-ci permettra d’évaluer le mode d’organisation mis en place par l’exploitant. En effet, plutôt que d’avoir recours à de la main-d’oeuvre supplémentaire, il est parfois plus rentable de modifier la conduite d’un atelier. « L’agriculteur peut, par exemple, faire appel à l’ETA pour des travaux de semis ou de récolte. Le changement du mode d’alimentation du troupeau peut aussi être une source de gains de temps appréciables. Des investissements sont alors souvent nécessaires, par exemple pour passer à la ration complète ou s’équiper d’un Dac.»

 

Pourquoi embaucher?

Un agriculteur peut souhaiter embaucher pour différentes raisons. Celles que l’on rencontre couramment, c’est la surcharge de travail et le souhait d’améliorer sa qualité de vie. Mais le recours à une main-d’oeuvre supplémentaire peut permettre également de se dégager du temps pour accepter des responsabilités extérieures et s’ouvrir sur le monde. L’agriculteur peut aussi embaucher pour réduire la pénibilité de son travail. Ou alors, pour sécuriser l’un des ateliers. L’un des objectifs peut également être d’améliorer la performance et la valeur ajoutée de son entreprise. « Le raisonnement à ne pas faire, et qui pourtant est assez fréquent, est d’envisager l’embauche comme une charge pour l’exploitation. Je pense qu’il est préférable la considérer comme une ressource et un investissement, au même titre que l’achat d’une salle de traite. Un éleveur laitier débordé de travail aura, par exemple, des difficultés à surveiller les chaleurs de ses vaches ou à réaliser ses foins au bon moment. Ces carences auront alors une incidence directe sur la performance économique de l’exploitation.»

 

Etes-vous prêt à déléguer?

L’encadrement d’une personne est une compétence qui s’acquiert. Pour toutes les tâches qu’il souhaitera confier à son salarié, le futur employeur devra se demander s’il est prêt à déléguer son travail. « Il devra s’interroger sur sa capacité à faire confiance à une nouvelle personne et à accepter que celle-ci travaille différemment de lui.»

 

A temps plein ou partiel?

Il faut savoir combien d’heures le salarié va travailler par semaine. La question de la capacité financière de l’exploitation à le rémunérer doit se poser. Un temps plein coûte de l’ordre de 20.000 euros en trésorerie. Mais cette charge permet aussi de réduire les cotisations sociales, ainsi que l’impôt sur le revenu du chef d’exploitation. Pour un temps partiel, deux options sont possibles. La première consiste à employer quelqu’un à titre individuel. «Face aux difficultés à trouver de la main-d’oeuvre, cette voie est la plus difficile. L’autre solution consiste à créer un groupement d’employeurs pour compléter le temps partiel avec un autre agriculteur. Les chances de fidéliser le salarié sont alors bien meilleures.» Dans ce cas, il est nécessaire de trouver une autre exploitation souhaitant embaucher. La difficulté: il faut que cette dernière soit à la recherche du même profil de salarié. Un tel groupement permettra de ne réaliser qu’un seul bulletin de paye. Les horaires de travail seront, en outre, plus souples entre les deux structures. Une réduction de plus de 50% des cotisations de maladie, accident et vieillesse sera également accordée en polyculture-élevage.

 

Quel profil?

Il faut lister les tâches à déléguer au futur salarié pour déterminer les compétences qu’on exigera de lui. En découle le profil recherché. On en distingue trois sortes. L’exécutant, de moins en moins recherché, est un salarié peu autonome qui devra être bien encadré. Il permet de se dégager de certaines tâches (traite, travail des champs). On lui confiera des choses précises, après les lui avoir expliquées. Le technicien, lui, est une personne autonome à qui l’on peut confier un atelier laitier. Il est capable de traire, d’alimenter et d’assurer toute la conduite du troupeau: suivi des chaleurs, vêlages, réforme des mamiteuses. Et même faire intervenir le vétérinaire en cas de souci. Le partenaire, quant à lui, sera recherché lorsque l’on souhaite travailler en équipe. C’est le profil type du futur associé. L’embauche sera une bonne manière de connaître la personne en situation de travail, avant d’envisager une autre forme de collaboration. Il faudra tout de même rester prudent car, en cas d’association, supprimer le lien hiérarchique pourra modifier la relation initiale.

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28% des élevages emploient un salarié

En France, ils sont 28% des élevages laitiers à employer un salarié. Cela représente un peu plus de 3% des emplois dans les exploitations. Et un total de 7.131 personnes en place. Près de la moitié d’entre eux sont permanents. Sur l’année 2006, 431 offres d’emploi ont été déposées à l’Anefa (Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture). 532 personnes ont présenté leur candidature. De son côté, l’ANPE a centralisé 982 propositions d’emploi et 1.891 postulants.

 

Trois questions à PATRICIA BRESTEAUX, conseillère en emploi à la chambre d’agriculture de la Mayenne

Patricia Bresteaux, chambre d'agriculture de la Mayenne «Le candidat doit coller à la demande initiable de l’agriculteur»

«Un important travail de revalorisation du métier de salarié agricole est à faire. La profession doit accepter la féminisation.»

 

Comment marche la bourse de l’emploi, une fois que le profil du salarié est identifié?

Je passe une offre d’emploi pour rechercher le candidat. Nous diffusons l’annonce dans trois supports différents: le journal agricole local, l’ANPE et aussi le site internet de la chambre d'agriculture. Le nom et le numéro de téléphone de l’agriculteur n’apparaissent jamais. Je reçois alors les lettres de motivation accompagnées des «curriculum vitæ». Ensuite, je réalise un entretien téléphonique pour voir si le profil du candidat correspond réellement au poste. Cette sélection permet à l’agriculteur de ne rencontrer que les bons candidats. Si, durant cette phase, on ne trouve pas le profil souhaité, il est possible d’élargir la recherche. Mais, par expérience, il est préférable de s’accorder plus de temps pour trouver la bonne personne.

 

Comment l’entretien d’embauche doit-il se dérouler?

L’agriculteur doit au préalable demander au candidat d’apporter son CV. Un minimum de deux heures d’entretien en tête à tête est à prévoir. Dans un premier temps, l’éleveur doit présenter son exploitation, ainsi que les personnes qui gravitent autour d'elle (associés, apprentis, autres salariés...). Une visite de la ferme est conseillée. Cela permettra d’apprécier le comportement et la curiosité du candidat. Ensuite, une présentation du poste est nécessaire. Il faut le faire de manière concrète, avec les tâches à exécuter, ainsi que les horaires de travail. Les difficultés du poste ne devront surtout pas être cachées. Cela évitera une démission peu après l’embauche. Il faudra également aborder des points délicats comme le salaire, les congés et les récupérations. Si l’agriculteur souhaite contacter un ancien employeur du candidat, il est préférable de lui demander son autorisation au préalable. Durant l’entretien, l’écoute bienveillante est à privilégier pour mettre la personne à l’aise. Celle-ci doit parler de sa formation, de son expérience professionnelle, de ses aspirations et de ses prétentions salariales. Au final, l’entretien d’embauche doit permettre de déterminer si le candidat correspond bien au profil recherché.

 

Des difficultés de recrutement existent-elles en lait?

Comparé aux éleveurs de porc, les laitiers ont encore le choix des candidats. En 2006, dans la Mayenne, nous avons déposé 153 offres et reçu 300 CV. Mais depuis quelques années, on constate une augmentation des demandes de recrutement et une stabilisation, voire un déclin, du nombre de demandeurs. On voit un grand nombre de jeunes s’installer et peu vouloir devenir salarié. Un important travail de promotion et de revalorisation du métier de salarié agricole est donc à faire. Il faut aussi que la profession accepte la féminisation. Pour résoudre le problème de la main-d’oeuvre, il se crée, dans le département, des groupements d’employeurs multisectoriels. Appartenant à différents corps de métiers (par exemple, un agriculteur et un entrepreneur de maçonnerie), ils décident d’embaucher ensemble un salarié à temps plein. L’intérêt est qu’ils n’auront pas de pointes de travail au même moment et n’auront donc pas besoin du salarié durant les mêmes périodes.

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Quatre conseils pour favoriser l’entente

 

Les premières semaines après l’embauche sont une période clé pour que l’employeur et le salarié démarrent leur collaboration sur de bonnes bases.

 

Les premières semaines de présence du salarié sur l’exploitation sont décisives. C’est en effet durant cette période que de bonnes bases de collaboration pourront être mise en place. Pour ce faire, l’agriculteur devra consacrer du temps au nouveau venu. Cet investissement de départ est souvent synonyme d’amélioration de la productivité du travail à terme. L’arrivée d’un salarié oblige en effet à repenser le mode d’organisation sur l’exploitation.

 

1. Expliquer l'organisation du travail

Les premiers jours, une présentation de l’exploitation s’impose. Il est par exemple bon de se déplacer avec le salarié sur les principales parcelles et de préciser le nom de chacune. Mais aussi de lui montrer où sont rangés les matériels et les produits dont il devra se servir. Il est indispensable également de veiller à bien répartir les tâches. «L’employeur doit présenter son mode de fonctionnement et les horaires de travail. Certains travaillent avec le salarié durant les premiers jours pour lui apprendre à réaliser ses tâches. Cette phase d’apprentissage est vraiment importante. Car ce qui paraît évident à l’employeur ne l’est pas forcément pour le nouvel arrivant», explique Agnès Lazuttes, animatrice à la FNASavpa (1).

 

2. Transmettre des consignes claires

Passer des consignes claires évitera tout risque d’erreur et de perte de temps. Il est préférable de le faire à des moments fixes dans la journée. Que ce soit en début de matinée, où la veille au soir, pour que le salarié ait des repères. Le vocabulaire sera adapté au salarié. Certaines consignes bien précises peuvent se transmettre par écrit. C’est par exemple le cas pour le nom des vaches dont le lait est à écarter pendant la traite. «Durant l’échange, précise Agnès Lazuttes, il faudra surtout favoriser le dialogue, pour que le salarié n’hésite pas à poser des questions. Mieux vaut le faire dans un endroit pas trop bruyant. L’idéal étant dans une pièce calme, devant un café.»

 

3. Contractualiser les progrès

«Les premiers jours peuvent également être l’occasion de bâtir un contrat de progrès avec son salarié, souligne Patricia Bresteaux, conseillère en emploi à la chambre d’agriculture de la Mayenne. Il s’agit de l’amener à acquérir toutes les compétences qu’il sera amené à utiliser lorsqu’il sera autonome. C’est très utile lorsque l’embauché ne correspond pas exactement au profil recherché. Il faudra alors se fixer des objectifs de délai pour qu’il apprenne son travail.» A l’issue de cette période, il est bon de faire un bilan. Le contrat peut ensuite devenir évolutif.

 

4. Utiliser la période d'essai

Pour un salarié embauché à temps plein, le premier mois correspond à la période d’essai. Celle-ci permettra à l’employeur d’évaluer les compétences du nouveau venu. Dans la mesure du possible, il faudra faire en sorte que le salarié réalise le maximum des tâches qu’il est censé effectuer dans l’année. Mais c’est souvent difficile à réaliser sur une exploitation où le travail suit le rythme des saisons. «Pour un agriculteur qui souhaite embaucher la première fois, il existe le Tesa (titre emploi simplifié agricole). Ce contrat de trois mois au maximum peut en effet être une manière de se familiariser à son rôle d’employeur et d’apprécier son salarié.»

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(1) Fédération nationale des associations de salariés de l’agriculture pour la vulgarisation du progrès agricole.

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Un guide pour améliorer les relations

 Le guide «Travailler ensemble sur l’exploitation agricole - Guide pour de bonnes relations entre employeurs et salariés» Destiné à faciliter les relations entre employeur et salarié, la FNASavpa (1) publie un guide qui est le fruit de réflexions d’un groupe de travail constitué de salariés agricoles, d’exploitants et d’animateurs. Ce document ne donne aucune recette miracle mais invite chacune des deux parties à se poser les bonnes questions pour envisager de bonnes relations humaines sur l’exploitation. Le dialogue, le partage des informations, l’implication de chacun dans le travail, la reconnaissance, l’anticipation des situations et des problèmes sont des pistes.

Trame, 6, rue de La Rochefoucauld, 75009 Paris. Tél.: 01.44.95.08.00. Prix 11 € TTC (+ port)

 

Témoignage: GAEC DE L'OURZAIE, dans le Maine-et-Loire (1)

«Nous recrutons des jeunes pour leur donner une expérience et les former»

Depuis 1996, le Gaec de l’Ourzaie embauche de jeunes salariés sur l’exploitation. Objectif: leur permettre d’acquérir une première expérience professionnelle en apprenant le métier.

Au Gaec de l’Ourzaie, accueillir un salarié est devenu une habitude. En effet, depuis 1996, pas moins de six se sont succédé sur l’exploitation. «Nous recrutons des jeunes qui souhaitent se former. On se fixe un délai de deux ans avant qu’ils partent s’installer, reprendre une formation, ou alors travailler comme technicien», explique Christian Delahaye, l’un des deux associés du Gaec. Les éleveurs ne sont en effet pas certains de pouvoir pérenniser un emploi. Benjamin est ainsi la dernière recrue, embauchée en septembre 2006. A dix-neuf ans, le bac en poche, il n’a aucune formation agricole mais est issu du milieu. Son père a en effet été l’un des associés du Gaec, puis s’est installé en individuel. Les responsabilités étant bien réparties sur la ferme, les deux tiers de son travail consistent à réaliser la traite du soir et certains weekends, ainsi qu’à nourrir les animaux. Le tiers restant est consacré à diverses tâches comme refaire des clôtures, de la maçonnerie... «C’est Pascal, mon associé, qui lui a montré dans un premier temps comment se servir de la remorque mélangeuse. Il a fallu qu’il apprenne à l’approvisionner avec le godet-griffe, puis à distribuer uniformément le fourrage. Ceci est surtout vrai pour les taurillons qui sont logés case par case.» Ensuite, Christian s’est chargé de le former à la traite. La première semaine, ils l’ont effectuée tous les deux. Dès la deuxième semaine, Benjamin l’assurait déjà seul. Mais l’éleveur n’était jamais loin en cas de problème, notamment pour détecter les mammites. Au bout d’un mois, le nouveau venu maîtrisait entièrement ces deux tâches.

Après avoir formé plusieurs personnes, les associés ont réalisé l’importance de la période d’essai. Une prise de conscience qui a eu lieu voici quelques années, à l’issue des premières semaines de présence du salarié de l’époque. Les associés se sont aperçus qu’il ne correspondait pas tout à fait au profil recherché. «Il souhaitait imposer ses horaires de travail et, par exemple, ne pas faire la pose de midi car il habitait à une vingtaine de kilomètres de la ferme. Au bout de neuf mois, après une discussion, il est parti de lui-même. Mais il aurait été préférable pour tout le monde de mettre un terme au contrat beaucoup plus tôt.» Depuis cette mauvaise expérience, Christian et Pascal organisent un entretien tous les six mois avec leur salarié. Cet échange leur permet de faire le point sur ce qui va et sur ce qui ne va pas. Chacune des parties peut s’exprimer. L’objectif étant de se revoir dans six mois pour refaire un nouveau bilan. Il est arrivé que les deux éleveurs recrutent un salarié avec le projet d’en faire un futur associé. Une exploitation voisine allait en effet très prochainement être cédée. «Pierre-Yves était l’un des candidats à la reprise mais connaissait peu le métier. Cela faisait quatorze ans qu’il était employé dans une usine. En travaillant avec lui, nous nous sommes rendu compte qu’il était beaucoup trop attaché à la technique et n’avait pas assez l’esprit gestionnaire. Lui-même a pris conscience que devenir chef d’exploitation ne correspondait pas totalement à ses objectifs personnels.» Le projet d’installation ne s’est donc pas concrétisé.

Au bout du compte, ces personnes sont une source de nouvelles idées pour le Gaec. L’un d’eux a, par exemple, fait accélérer la décision d’investir dans du matériel d’alimentation. Le travail d’astreinte a ainsi été réduit d’une heure par jour. «Au bout de six mois de présence, lorsque je commence à déléguer l’élevage des petits veaux au salarié, c’est bon signe. Cela signifie en effet qu’un climat de confiance s’est installé.»

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(1) L’EXPLOITATION: deux associés, Christian Delahaye et Pascal Balle. 57 holsteins à 7.700 kg. 428.000 litres de quota. 60 jeunes bovins engraissés par an. 105 ha de SAU. SFP: 52 ha d’herbe et 28 ha de maïs. 25 ha de céréales et jachères.

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Management: savoir conserver son salarié

 

L’agriculteur doit adapter son type d’encadrement au profil de son salarié et entretenir une bonne relation avec lui pour qu’il se plaise dans son travail.

 

Embaucher une personne est une chose, la garder en est une autre. «Un salarié est en effet aujourd’hui beaucoup plus exigeant avec son employeur. Face au manque de main-d’oeuvre, le rapport de force s’est inversé. Il n’hésite plus à présent à démissionner lorsque son emploi ne lui convient pas», constate Vincent Renou, directeur associé du cabinet Propuls, spécialisé dans le management. Adapter son type de management au profil de son salarié est l’un des premiers points à respecter pour le garder. Pour cela, l’agriculteur doit cerner son degré d’autonomie. Tout d’abord, en évaluant ses compétences. Concrètement, il peut lister toutes les tâches qu’il est capable de réaliser seul. Ensuite, il devra apprécier son degré d’initiative. Cette phase est un peu plus délicate car il faut être en mesure de savoir ce qui motive la personne dans sa fonction. «En effet, déléguer ne signifie pas seulement distribuer du travail. Il faut, d’une part, s’assurer que le salarié est apte à l’effectuer. Mais aussi qu’il a l’envie de le réaliser», souligne Vincent Renou.

 

Quatre types d'encadrement

Selon le profil de la personne, l’agriculteur a le choix entre quatre types d’encadrement. Il pourra être directif avec des profils exécutants. Il sera délégatif, avec un salarié plus autonome. Participatif, lorsque celui-ci sera amené à prendre part aux décisions de l’exploitation. Enfin, l’agriculteur pourra envisager un encadrement de type associatif et impliquer son salarié dans les décisions stratégiques s’il souhaite en faire un futur associé. «L’un des problèmes de management couramment rencontrés dans les exploitations est d’avoir un agriculteur qui est directif avec des personnes autonomes. Ou, inversement, délégatif avec des salariés peu autonomes», explique Patricia Bresteaux, conseillère en emploi à la chambre d’agriculture de la Mayenne.

Entretenir une bonne relation avec les salariés est l’une des clés pour les conserver. En effet, ces derniers mettent en avant la convivialité dans la relation au travail comme l’un des principaux attraits de leur métier. Tout autant que le niveau de rémunération. C’est ce que révèle une enquête réalisée par l’Institut de l’élevage auprès de salariés en élevage laitier. «Il est en effet nécessaire qu’il vienne chaque jour sur l’exploitation avec plaisir, souligne Vincent Renou. Pour éviter les tensions qui peuvent se transformer en conflit, il est important d’exprimer le plus tôt possible les choses qui ne vont pas. Ceci pour qu’un problème n’enfle pas et devienne tabou.» Les entretiens individuels d’évaluation sont ainsi un bon moyen pour échanger et mettre les choses à plat. Réalisés une fois par an, ceux-ci sont normalement obligatoires. «Il est bien, par exemple, de laisser le salarié s’exprimer sur la manière dont il a vécu son année. Quelles ont été ses difficultés, qu’est-ce qui lui a plu dans son travail. On peut aussi le faire parler de son avenir professionnel, de la manière dont il se projette dans le futur», précise Patricia Bresteaux. Pour l’employeur, ce sera le moment de refaire un point, ainsi que d’établir des objectifs pour l’année à venir.

En valorisant son salarié dans son travail, l’agriculteur met toutes les chances de le garder de son côté. Selon Vincent Renou, «l’un des besoins fondamentaux de celui-ci est, en effet, d’être reconnu dans sa fonction.» Les entretiens sont, là encore, un moment privilégié. Il peut être bon de lui faire connaître une partie des résultats de l’entreprise et de lui expliquer qu’il y a contribué. «L’employeur pourra également parler de ses projets d’investissements à venir. Il est toujours judicieux de demander le point de vue à son salarié sur un matériel à acheter et qu’il sera amené à utiliser», conseille Patricia Bresteaux. Tout au long de l’année, l’agriculteur devra également lui expliquer pour quelle raison il est amené à accomplir certaines tâches, afin qu’il comprenne bien l’utilité de son travail.

Enfin, la rémunération est un sujet que l’employeur peut difficilement éviter. Il s’agit d’une négociation qui doit déboucher sur un compromis. L’éleveur doit être à l’écoute des attentes de son salarié sur ce point. Ensuite, il lui faut expliquer ce qu’il est en mesure de payer, en prenant en compte le travail accompli.

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Le PEE, un système d'épargne collective

Pour motiver son salarié, peu d’agriculteurs le savent mais ils ont la possibilité de mettre en place un plan d'épargne entreprise sur leur exploitation. Ce système d’épargne collective est alimenté par le salarié dans la limite de 25% de son salaire. De son côté, l’employeur peut le compléter sans dépasser trois fois les sommes versées par le bénéficiaire, avec un maximum de 2.300 euros par an. Cet argent est alors exonéré de cotisations sociales et est déductible du résultat. Il supporte tout de même les prélèvements que sont la CSG et la CRDS. Les sommes placées sont ensuite indisponibles pendant cinq ans, mais peuvent être débloquées sous certaines conditions (mariage, naissance, adoption...).

 

Témoignage: ERIC LEROY, éleveur dans l'Orne (1)

«Il est important que mes gars se plaisent dans leur travail»

Eric Leroy emploie depuis vingt-cinq ans un salarié pour ses travaux des champs mais regrette de ne pas pouvoir conserver un vacher plus de quatre ans sur son exploitation.

«J’aimerais que Mathieu, mon vacher, reste aussi longtemps sur mon exploitation que Joël, qui travaille depuis vingt-cinq ans chez moi et s’occupe des cultures», confie Eric Leroy. Jamais cet éleveur de l’Orne n’a réussi à conserver plus de quatre ans un salarié pour son atelier laitier. La plupart viennent acquérir une première expérience, puis partent s’installer ou travailler dans une OPA. Cela n’empêche tout demême pas Eric d’essayer de conserver ses salariés. «J’évite tout d’abord de leur confier toutes les tâches ingrates. Même si nous sommes bien équipés, il reste des corvées comme, par exemple, curer les niches individuelles des veaux. Alors, souvent, on s’organise pour faire ce genre de tâche à deux. Ainsi, en une demi-heure, c’est bouclé.» Pour que le vacher se plaise dans son travail, il arrive à l’éleveur de lui laisser les travaux des champs car il sait que Mathieu aime conduire le tracteur. Eric le remplace alors pour la traite du soir. «Mais, dans ce cas, il est difficile de tout concilier. En effet, j’aimerais qu’il s’implique davantage dans la conduite du troupeau. Qu’il connaisse toutes les vaches comme moi je les connais. En lui laissant faire le travail des terres, il a plus de difficultés à y parvenir. Dans le même temps, il faut dire que je ne suis peut-être pas prêt à lui confier entièrement l’atelier laitier étant donné que je suis plus expérimenté que lui, qui débute.»

Eric à l’intention de construire un local au-dessus de sa salle de traite pour le confort de ses salariés. Ceux-ci pourront alors se changer et également prendre le café dans un endroit convivial. «Cela sera aussi un moyen pour moi de transmettre le planning de la semaine aux deux salariés en même temps. Car, pour le moment, cela se passe de manière informelle quand je me retrouve en face de chacun.»

Pour que ces derniers se sentent concernés par la marche de l’exploitation, Eric n’hésite pas à échanger sur le prix de vente des animaux et des céréales. Il tente aussi de les impliquer dans des projets d’investissement à venir. Par exemple, en leur distribuant les prospectus d’un matériel à acheter. «C’est aussi pour moi un besoin de connaître leur avis. Lors d’un projet d’achat d’un tracteur, par exemple, Joël est ainsi parti l’essayer chez un voisin qui avait déjà acheté l’engin.» L’un des points clés de la gestion salariale sur cette exploitation est la valorisation des salariés dans leur travail. Ainsi, l’éleveur n’hésite pas à reconnaître que Joël est plus compétent que lui dans l’entretien et la réparation des matériels. L’employeur ne tente surtout pas de s’approprier une initiative prise par son salarié. «Si le vacher a détecté une vache malade et que le vétérinaire vient la soigner, je fais en sorte que Mathieu reste sur place pour en discuter avec le praticien. Il ne faut surtout pas lui dire d’aller nettoyer les logettes tandis que moi je reste aux côtés de la vache.»

Les salaires sont calculés à partir de la convention collective du département. Mais chacun travaille 180 heures au lieu de 152. En leur permettant de faire des heures supplémentaires, l’éleveur pense répondre à la fois aux besoins de l’entreprise et à ceux de ses salariés, qui souhaitent gagner plus d’argent.

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(1) L’EXPLOITATION: 80 holsteins à 9.000 kg. 630.000 litres de quota. 250 places de porcs à l’engrais. 206 ha de SAU. SFP: 30 ha de maïs ensilage et 27 ha d’herbe. 129 ha de céréales. 20 ha de colza.

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Législation: un parcours administratif à long terme

 

L’embauche d’un salarié oblige l’agriculteur à remplir plusieurs formalités. De son recrutement à son départ, tout est réglementé.

 

Véritable frein à l’embauche pour certains, les formalités administratives sont nombreuses et jalonnent toute la carrière du salarié sur l’exploitation. Avant même qu’il ne commence sa première journée de travail, un document initial est à remplir pour la MSA. Il s’agit de la déclaration unique d’embauche (DUE), à transmettre, au plus tôt, huit jours avant la date d’embauche et, au plus tard, la veille, par courrier. «Si l’employeur n’a pas eu le temps de l’envoyer, il a la possibilité de le faire par téléphone ou par fax le jour même», ajoute Khadija El Ouakili, de la FDSEA de la Mayenne. Les démarches administratives se poursuivent avec l’obligation d’établir un contrat de travail. Pour un CDD, l’agriculteur dispose d’un délai de 48 heures. «Cette formalité ne doit pas être négligée, car le salarié peut être considéré d’office comme embauché en CDI à temps plein si le contrat n’est pas rédigé.» Ce document doit, entre autres, indiquer la nature de l’emploi, ainsi que les tâches à exécuter. Il a pour but de clarifier la relation entre l’employeur et l’employé. Attention toutefois à ne pas être trop restrictif. En effet, plutôt que d’écrire «réalisation de la traite», mieux vaut une formulation de type «réalisation de tous travaux sur l’élevage laitier, en particulier la traite». Il devra également faire mention de la possibilité de réaliser des heures supplémentaires et du travail le week-end. Enfin, il faudra spécifier le montant du salaire. «Sur ce point, le contrat devra impérativement être conforme à la convention collective applicable. Par exemple, celle de la Mayenne dispose, en polyculture-élevage, de quatre niveaux de qualification comprenant deux échelons. Pour chacun d’eux, un descriptif de la fonction est exposé, ainsi qu’un coefficient correspondant à un salaire horaire.»

 

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A chaque qualification son niveau de salaire

L’échelon le plus bas est à 110. Correspondant à la qualification d’un agent de production, il s’applique à des salariés ayant le rôle d’exécutants et ne devant prendre aucune initiative. Ceux-ci pourront se servir des matériels préréglés, effectuer des traites sous surveillance; le contrôle des premiers jets devant être réalisé par l’éleveur.

Autre exemple: l’échelon 310. Il décrit la fonction d’un agent technique qualifié. Plus autonome, le salarié est en mesure de conduire un atelier laitier. Il pourra effectuer des vêlages faciles, tout comme assurer la mise en place de cultures. «Cette liste de tâches n’est pas exhaustive. L’important est de veiller à ce que les fonctions réellement exercées par le salarié correspondent à son niveau de rémunération.» Bien que la différence de coefficient soit importante, cela ne se traduit pas de manière flagrante sur le niveau de salaire. Le premier gagnera en effet 8,33 € brut par heure, le second 8,91 €.

A la fin du mois, la différence entre ces deux qualifications est de 88 €. Au quotidien, l’agriculteur va devoir enregistrer les horaires de travail de son salarié sur un registre. Une copie devra lui être remise en fin de mois avec sa fiche de salaire. «Ce document présente un double avantage: il sert de base de calcul pour la paie et évite toute contestation ultérieure.» Il faut savoir que le code du travail impose une durée maximale du travail. Elle est fixée à 10 heures par jour et peut être portée à 12 heures. Dans ce cas, une dérogation auprès de l’Itepsa (1) est à demander. Une durée de 48 heures de travail au maximum par semaine est aussi à respecter. Là encore, des dérogations sont accordées au cas par cas. Enfin, un temps d’arrêt minimal de 11 heures est à observer entre chaque journée de travail. Ainsi qu’un repos hebdomadaire de 24 heures, pris en principe le dimanche, sauf dérogation. Concernant les heures supplémentaires, elles commencent au-delà de la trente-cinquième heure de travail hebdomadaire. Jusqu’à la quarante-quatrième heure, l’augmentation salariale sera portée à 25%. Au-delà, à 50%. Il existe, malgré tout, pour réduire ces majorations, des possibilités d’aménagement du temps de travail telles que les RTT, l’annualisation et le repos compensateur de remplacement. Quant au paiement, il devra s’effectuer avant le cinquième jour ouvrable suivant l’échéance du mois civil à indemniser.

 

Ne pas oublier les cotisations à la MSA

Chaque trimestre, l ’employeur doit transmettre les salaires versés au cours des trois derniers mois à la MSA. Celle-ci calcule ensuite les cotisations patronales et salariales dont il faudra s’acquitter. «Par exemple, l’employeur a jusqu’au 10 avril pour déclarer les salaires des trois premiers mois de l’année. Il doit ensuite s’acquitter de la somme à payer avant le 15 mai.»

A la fin du contrat, certaines formalités sont encore à respecter. Si le salarié démissionne de sa propre initiative, il devra respecter le délai de préavis prévu avant de s’en aller. Lorsque l’agriculteur souhaite se séparer de son employé durant la période d’essai, il peut le faire sans préavis, ni indemnité. Au-delà, il devra se conformer à la procédure de licenciement, c’est-à-dire convoquer son salarié à un entretien préalable. «L’employeur doit alors motiver son licenciement puis laisser à son salarié la possibilité de se défendre et d’exposer ses arguments. Ensuite, un délai de deux jours ouvrables est à observer avant d’envoyer la lettre de licenciement.» Dans tous les cas, l’agriculteur doit lui délivrer un certificat de travail mentionnant les dates d’entrée et de sortie et la nature de l’emploi occupé. Et lui remettre une attestation d’emploi pour l’Assedic.

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(1) Inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricole.

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La visite médicale est obligatoire

Le salarié doit passer une visite médicale d’embauche avant l’expiration de sa période d’essai. La durée de la visite est prise sur ses horaires et rémunérée comme du travail effectif. Quant aux frais de déplacements, ils sont à la charge de l’agriculteur. En cas d’embauche ferme par le même employeur, cette visite peut être repoussée à six mois si le salarié occupe un emploi identique et qu’aucune inaptitude n’a été reconnue précédemment.

 

Comment évaluer les risques liés à l’exploitation

Un formulaire d’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des salariés doit être rempli par l’agriculteur. Mis à la disposition du salarié, il peut être réclamé en cas de contrôle inopiné de l’Inspection du travail. L’employeur doit, dans un premier temps, évaluer les risques dans chacune des zones où son salarié sera amené à travailler. Il doit ensuite déterminer la gravité du danger sur chacun de ces postes, pour identifier les mesures à prendre en priorité. Ainsi, face au danger lié à la manutention d’animaux, la prévention peut être l’installation d’une cage de contention. Cet investissement permettra aussi d’améliorer l’efficacité du travail. L’équiper de chaussures de sécurité est également recommandé. Autre danger sur l’exploitation: l’incendie. L’installation électrique devra ainsi être maintenue en bon état et l’achat d’extincteurs est conseillé. La manipulation de produits chimiques est aussi à surveiller. Là encore, un équipement de protection pourra réduire le danger. Toutes ces précautions ne mettent pas pour autant l’agriculteur à l’abri de poursuites. Il existe en effet un certain flou autour de la notion de risque. Ce n’est qu’après l’accident que l’on peut déterminer la responsabilité de l’employeur.

par Nicolas Louis

(publié le 5 octobre 2007)



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