Fini le régime sandwiches-pâtes ? Malgré des budgets repas serrés, de nombreux étudiants adoptent les « paniers » de fruits et légumes frais, souvent bio, livrés directement sur les campus. Les urbains découvrent l'agriculture au passage. Certains s'inventent un avenir tout vert.
« Tu prends la salade ? Je garde les tomates » : Assise en tailleur dans la cour de l'Institut d'études politiques de Paris, Cécile Hanff, 21 ans, partage ses légumes, produits par un maraîcher bio des Yvelines. Elle s'est abonnée à un « demi-panier » hebdomadaire, soit une dépense de 5 euros.
Ce jour-là, pour la première livraison de l'année universitaire, Sciences Potiron, l'Amap étudiante (Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne) qui gère les commandes, a enregistré plus d'une centaine d'abonnements. « De plus en plus, les étudiants veulent savoir ce qu'ils mangent », explique à l'AFP Marie-Thérèse Mounif, bénévole à l'Amap « les paniers de Gaston » à Marseille, qui livre chaque mercredi à une soixantaine d'étudiants près de la fac d'économie. Cette fois, pour 7 euros, ses abonnés ont reçu courgettes, aubergines, haricots verts, oignons, poivrons, melon, raisins et figues. « De quoi tenir la semaine, et croyez-moi ce sont de bons légumes ! », dit Marie-Thérèse. « Notre Amap s'est ouverte aux étudiants depuis deux ans avec un tarif réduit », dit-elle, « ils se rendent bien compte que ; dans l'agriculture conventionnelle, il y a trop de pesticides ».
Le prix de deux bières en terrasse
Un peu partout, les associations fleurissent sur les campus. Avec des noms très potagers : Potatoit à Lille 3, Zest à Toulouse, LegUlm à l'Ecole Normale supérieure. Même le syndicat Unef s'y est mis, en proposant des paniers du Val de Loire dans six universités parisiennes, pour 8,10 euros par semaine. Mais il reste à faire pour convertir deux millions d'étudiants, souvent amateurs de restauration rapide.
Selon le baromètre santé des jeunes, publié par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes), la fréquence de consommation de fruits et légumes est particulièrement faible chez les jeunes. Lors de la dernière enquête en 2008, seuls 6 % des 12-30 ans déclaraient consommer au moins cinq fruits et légumes par jour, la recommandation officielle, contre 8 % des 31-45 ans, 15 % des 45-60 ans et 24 % des 61-74 ans.
En juin, une étude réalisée par la mutuelle Smerep signalait que 65 % des étudiants sautaient régulièrement un repas, et qu'un sur cinq ne disposait que de 3 euros ou moins pour déjeuner (5,80 euros en moyenne).
« Cinq ou dix euros par semaine, c'est le prix d'une ou deux bières en terrasse, beaucoup y arrivent », relativise Patrick Boumard, le maraîcher de Sciences Po-Paris. Les livraisons ont lieu sur le campus ou à proximité. La corvée des courses disparaît. « Ça facilite la vie et on mange de bons produits », résume un étudiant gourmet. « Mais la clientèle étudiante est difficile à gérer, parfois ils oublient de venir, sont empêchés par un examen, ou ils bien sont en stage, en vacances », relève M. Boumard.
L'alimentation, sujet politique
« Pour rien au monde, je ne renoncerai à cette clientèle », assure-t-il, appréciant les échanges stimulants avec les étudiants. « Acheter ses légumes dans une Amap étudiante, c'est presque un engagement politique », selon lui. « Beaucoup d'étudiants sont demandeurs d'informations sur l'alimentation qui devient un vrai sujet d'actualité. Je suis très sollicité. Aussi bien pour des recettes de cuisine, que pour parler de la crise de l'agriculture ».
Clara Perrot, 22 ans, cliente et étudiante en Master de politique de l'environnement, a même fini par faire un stage de trois semaines l'été dernier chez lui. « J'ai posé toutes les questions possibles et imaginables », dit-elle.
« J'ai beaucoup de demandes de stages, de mémoires en cours d'écriture, de thèses aussi », confirme Jean-Christophe Robert à Marseille, cofondateur de « Filière paysanne » qui gère un réseau d'épiceries paysannes.
A Quimper, Emmeline Verriest, directrice de l'association « aux goûts du jour », se réjouit d'un engouement estudiantin pour les questions alimentaires. « Nous avons deux étudiantes en service civique, l'une est chargée d'identifier le patrimoine gastronomique de Bretagne, et l'autre d'étudier les possibilités pour les consommateurs de réduire leur impact sur le climat à travers leur alimentation ».