Face à un blé de mauvaise qualité, dégradé par les pluies de l'été, les meuniers français affrontent une tâche délicate : dénicher les meilleurs grains disponibles pour réussir malgré tout à en faire de la farine utilisable par les boulangers.
Jusqu'au début juillet, la météo idéale faisait espérer des blés « quasi exceptionnels », regrette Germain Bour, directeur de la coopérative Cérépy, qui regroupe 350 producteurs dans l'Yonne. Mais la baisse des températures, suivie d'interminables journées de pluie, a douché ces espoirs : une partie de la moisson a germé sur pied, avec comme résultat « une dégradation de la qualité technologique pour la panification », explique Bernard Valluis, président de l'Association nationale de la meunerie française (ANMF), à l'Agence France Presse (AFP).
Pour savoir ce qu'ils pourront faire de ce blé à l'amidon détérioré, les meuniers n'ont plus qu'une chose en tête : mesurer le temps de chute d'Hagberg, un indice exprimé en secondes, qui permet de déterminer la qualité boulangère de la farine. Autour de 220 secondes, le blé est considéré comme apte à faire du bon pain. Or, cette année, « on est plutôt entre 200 et 180 secondes. Et la majorité (du blé, ndlr) est inférieure à 150 secondes », explique M. Bour à propos de la récolte dans sa région. La farine obtenue avec ce blé médiocre « donne une pâte très collante et pas facile à façonner, avec des mies et des croûtes très foncées », ajoute-t-il.
Des tests sont en cours un peu partout dans l'Hexagone, mais le processus prend beaucoup de temps car il faut au préalable que les grains aient été triés par les organismes qui collectent les céréales. « On ne connaît pas encore la statistique réelle de la collecte », explique M. Valluis. « La question est : jusqu'où les meuniers accepteront-ils des blés un peu dégradés ? », résume Sébastien Poncelet, analyste pour le cabinet spécialisé Agritel.
Malgré un mauvais indice de Hagberg, certains blés « peuvent permettre la panification, mais il faut faire un travail au niveau des farines », prévoit M. Valluis. Pour s'en sortir en cette année « compliquée », les boulangers, artisanaux comme industriels, devront dans tous les cas « adapter leurs recettes, l'hydratation de la pâte, les temps de repos et de cuisson », prévient-il.
Les regards se tournent vers la Bretagne
Pour les agriculteurs, les résultats des tests des meuniers sont cruciaux, car si leur blé est considéré comme « fourrager », ils seront bien moins rémunérés que pour du « meunier ». « Il va peut-être falloir que (les meuniers) achètent des blés étrangers avec des temps de chute très importants pour compenser », craint Germain Bour (Cérépy). Des meuniers de l'Est de la France, région la plus touchée, se tourneraient vers d'autres régions pour s'approvisionner, en particulier dans l'Ouest où la qualité est paradoxalement meilleure. « Certains opérateurs se tournent vers la Bretagne, alors que d'habitude elle produit essentiellement du blé fourrager », note Hélène Morin, responsable International chez Agritel. Selon elle, certains lorgnent aussi vers l'Allemagne, même si la qualité commence là-bas aussi à inquiéter.
Néanmoins, le coût du transport représente un frein important à ces échanges. « Il n'y a pas de risque » de devoir importer du blé non-français, estime pour sa part M. Valluis (ANMF). Car, l'an passé, les meuniers n'ont utilisé que 17 % de la récolte française. Ils ont donc encore de la marge pour trouver la qualité qu'il leur faut dans la moisson. En attendant les résultats des tests, ils s'appuient sur leurs stocks, explique-t-il.
Quant au prix de la baguette, « il n'y a aucune raison pour qu'il bouge » car la flambée des prix du blé meunier en France sera compensée par la récente chute des cours mondiaux, estime encore M. Valluis. De toute façon, « le blé représente moins de 5 % du coût de fabrication du pain », rappelle Hélène Morin.
Et les producteurs dans tout ça ???
mercredi 06 août 2014 - 21h01
Votre article est très intéressant mais je ne plains pas du tout les meuniers qui arriveront toujours à maintenir leurs marges. Par contre, vu les cours actuels, un très grand nombre d' agriculteurs ne va pas couvrir ses coûts de production et les bilans comptables vont être catastrophiques. Travailler une année complète pour perdre de l' argent ... connaissez vous beaucoup de personnes capables de l' accepter ??? Il devient urgent de faire de beaux articles sur cette "catastrophe annoncée" et que les infos remontent au ministère. Le désespoir gagne les campagnes, le réveil sera douloureux, la riposte terrible. Ajouté à cela de nouvelles contraintes écologiques, nous sommes sur une véritable poudrière.