Des principales conclusions du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec), Jean-Jouzel, vice-président du Giec, voudrait qu'on retienne une première chose : « Le réchauffement est sans équivoque et sans précédent au cours du dernier millénaire et essentiellement lié aux activités humaines. »
La première manifestation du réchauffement n'est pas l'élévation de la température de l'atmosphère, mais de l'élévation du niveau de l'océan, sous l'effet de la fonte des glaces et de la dilatation de l'eau. Actuellement, cette élévation est de 3 mm par an.
« Si rien n'est fait, le réchauffement atteindra 4-5°C a la fin du siècle ; avec tous les indicateurs au rouge – santé, biodiversité, élévation du niveau de la mer... – et il se poursuivra à l'avenir, a prévenu le climatologue lors du forum Agriculture et Climat qui se tenait à Paris le 20 février. Or, si le rechauffement est inéluctable, on peut le limiter. Si on atteint l'objectif de +2°C par rapport à l'ère pré-industrielle, on devrait pouvoir réussir à s'adapter. »
C'est bien l'objectif de la COP21 qui se tiendra à Paris en décembre 2015. Après la réunion de Genève qui a donné lieu cette semaine à un premier document de travail, « l'enjeu pour l'agriculture et la forêt sera d'être introduite de façon convenable dans les négociations », a souligné Laurence Tubiana, ambassadrice du climat, ajoutant que la sécurité alimentaire est abordée et que le développement peut figurer « au début, au milieu et à la fin du texte », qui ne doit pas se focaliser que sur le carbone.
© Cheick Saidou / Min.agri.fr
L'agriculture plus efficiente
L'agriculture n'en est pas moins invitée à réduire ses émissions, et des solutions ont déjà été éprouvées. Economies d'énergies et d'intrants, gestion de la matière organique des sols et des prairies, amélioration génétique des plantes et des animaux pour une meilleure efficience de la production... Tous les leviers doivent être mis en œuvre, non seulement pour atténuer le changement climatique, mais aussi pour s'y adapter, ont insisté les intervenants – agriculteurs, scientifiques, responsables d'organisations para-agricoles – se succédant aux tables-rondes.
Jean-François Soussana (Inra) a rappelé les progrès déjà réalisés : le secteur de l'agriculture et de la forêt représente moins de 24 % des émissions mondiales de GES, en diminution sur dix ans... Certes, les émissions de l'agriculture, en ce qui les concerne, ont plutôt augmenté : c'est la déforestation qui a diminué. Mais l'agriculture a augmenté son efficience, affichant une production en hausse et des émissions en baisse. Il a insisté sur le rôle des sols agricoles, qui stockent trois fois plus de carbone que les forêts, à l'échelle mondiale. Les leviers sont de deux ordres : évolution des pratiques et maîtrise de la demande alimentaire. Mais le gain issu de l'évolution du modèle alimentaire est incertain, tant la bibliographie se contredit sur le sujet.
Le Sud en première ligne
Le forum « international » recevait des représentants de l'agriculture des cinq continents. Les intervenants n'ont pas manqué de rappeler que les premiers touchés par le changement climatique seraient les pays du Sud – par ailleurs les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre.
Dans la salle, l'agriculture africaine se sentait concernée. « Nous, dans les pays les moins avancés, attendons beaucoup de la conférence de Paris, pour qu'un accord contraignant puisse être trouvé et aide vraiment notre agriculture, est intervenue la ministre de l'agriculture du Tchad, présente dans la salle. Mais comment faire converger les attentes entre les pays ? »
« Sur les leviers d'atténuation et d'adaptation, vous avez donné des exemples pour vos élevages, est intervenu un représentant du Sahel. Mais quels conseils avez-vous pour les élevages en transhumance, qui sont majoritaires dans la région du Sahel ? » Pas de réponse...
