A la veille de l'ouverture du Salon international de l'agriculture, s'est tenu au ministère de la rue de Varennes vendredi un débat singulier en visioconférence entre Moscou et Paris, sur le thème de la coopération dans le secteur agricole entre les deux pays.
Sur invitation de l'Agence russe d'information internationale RIA-Novosti et en présence de quelques journalistes, les représentants de l'Etat français et quelques experts de nos filières agricoles ont pu s'entretenir avec leurs homologues russes à Moscou afin de faire le point sur l'état de la coopération agricole franco-russe et envisager de potentiels nouveaux accords dans ce domaine.
Cette approche de collaboration dans le secteur agricole entre nos deux pays ne date pas d'hier, puisque il y a déjà eu « beaucoup d'actions en commun » dans la coopération agricole, l'élevage et la génétique animale, ou le développement rural durable (avec en particulier la région de Tambov, dans le sud-ouest de la Russie, au sud-est de Moscou), a-t-on pu entendre en introduction de ce débat.
Derrière le renforcement de la coopération entre nos deux pays, les Russes souhaitent acquérir leur sécurité alimentaire en subvenant à 80-90 % de leurs besoins.
Jean-Noël Bonnet, chargé des relations internationales à l'Institut de l'élevage français, a indiqué que de 1998 à 2008, la Russie à importé environ 8.000 têtes de bétail, des vaches ou des génisses, mais plus rien depuis, pour des « raisons sanitaires ». Il souhaite rétablir des « liens forts » avec le secteur agricole russe.
Thomas Pavie, vétérinaire officiant dans le Service d'appui aux exportateurs de FranceAgriMer, a expliqué que de ce côté il y avait un besoin d'harmonisation des règles sanitaires en vigueur aux frontières russes avec celles pratiquées par l'UE. En attendant, depuis 2008, FranceAgriMer informe les exportateurs français de viande sur les normes sanitaires russes.
« Nous allons rétablir le lien », lui a assuré Nikolaï Strekozov, premier directeur adjoint de l'Institut de recherche national de l'élevage (VIJ), avant de détailler qu'un programme sectoriel en élevage de boucherie court actuellement en Russie jusqu'en 2012. Les premiers résultats, selon lui, sont rassurants. Les Russes tablent sur un cheptel de près de 5 millions de bovins d'ici à 2020, pour approcher leur (quasi-)autosuffisance en viande.
Aujourd'hui, ce cheptel compte surtout des races bovines mixtes (laitières et à viande) et sur onze races à viande, quatre sont françaises, a indiqué N. Strekozov : charolaise, aubrac, limousine et salers. « Elles se sont bien adaptées, même en Sibérie », a-t-il souligné. Malgré tout, l'institut de l'élevage russe souhaite acclimater sur ses vastes terres en herbe, qui demeurent inoccupées, de nouvelles races à viande, toujours mieux adaptées à cet environnement, et « créer une association pour chaque race ».
J.-N. Bonnet n'a pas caché son enthousiasme d'un retour d'expérience des russes sur ces introductions à venir, et son homologue a appelé la France à un « échange de textes réglementaires » pour aller vers l'harmonisation demandée par la France.
Autre point de la coopération agricole franco-russe, Moscou souhaite attirer des investisseurs français sur ses terres agricoles. Pour les participants au débat dans la capitale russe, leur pays possèdent beaucoup de terres agricoles, mais a accumulé beaucoup de retard sur la France en termes d'occupation. Actuellement, précise Alexeï Plakhotnikov, membre du comité de la Douma d'Etat en charge de la propriété, les baux ruraux en Russie courent sur 100 ans. Mais « ne pas être propiétaire n'empêche pas le business », a souligné opportunément un autre intervenant russe, Alexandre Fomine, vice-président du comité de la Chambre de commerce et d'industrie de la Fédération de Russie, chargé de l'entreprenariat dans le secteur agro-industriel.
Du côté des cultures, le besoin russe est moindre car la production assure déjà l'autosuffisance de la population, et avec « 7 millions de tonnes de céréales produites en 2009, la Russie a connu une récolte exceptionnelle », a reconnu A. Fomine. Des investissements sont en cours dans le pays, notamment sur des projets de sucreries (une en cours, une deuxième à venir), mais « ne soyez pas en retard », a-t-il lancé aux investisseurs français.
Au sujet des coopératives agricoles russes désormais privées, « nous avons soixante-dix ans de retard », se sont accordés les représentants à Moscou, qui voient d'un œil rassurant la marche forcée de Bruxelles vers l'abandon des aides directes aux agriculteurs européens.
Le dernier aspect d'une coopération franco-russe abordé concerne le développement rural et durable. Les russes « partagent la même idée du développement durable et de son impact sur les territoires ruraux, et beaucoup d'initiatives pourront être prises localement », a indiqué François Mitteault, directeur du développement et de l'action régionale à l'Agence de services et de paiement (ASP). Nos deux pays collaborent déjà en ce sens dans la région de Tambor depuis 2008.
A l’occasion de l’« Année croisée France-Russie », le SIA 2010 met à l’honneur la Russie au travers d’un stand de 300 m² dédié à l’agriculture russe et de plusieurs rencontres franco-russes. Une délégation russe représentant six régions sera présente à Paris, et durant un an, la Russie sera invitée à présenter, sur l'ensemble du territoire français, toute la diversité de sa culture. La France fera la même chose en Russie.