La communauté internationale a été prise de court de façon «inexcusable» par les émeutes de la faim et «paye vingt années d'erreurs», estime le nouveau rapporteur spécial de l'ONU (Organisation des Nations unies) sur le droit à l'alimentation, Olivier de Schutter, dans un entretien accordé au Monde le vendredi 2 mai 2008.
«C'est inexcusable. Beaucoup criaient dans le désert depuis des années pour qu'on soutienne l'agriculture dans les pays en voie de développement. Rien n'a été fait contre la spéculation sur les matières premières, prévisible (...); on paye vingt années d'erreurs», a déclaré M. de Schutter.
Il a blâmé notamment les institutions financières internationales qui, «pendant vingt ans, ont gravement sous-estimé la nécessité d'investir dans l'agriculture», et critiqué les plans d'ajustement structurel du Fonds monétaire international (FMI) qui ont rendu les pays en développement «vulnérables à la volatilité des prix».
Les émeutes de la faim constituent «un rappel à l'ordre», a poursuivi Olivier de Schutter, en soulignant que «l'ère de la nourriture à bon marché était derrière nous».
Interrogé sur les biocarburants, il n'«imagine pas de retour en arrière», mais «appelle au gel de tout investissement dans ce secteur».
«Les objectifs ambitieux en matière de production de biocarburants que se sont fixés les Etats-Unis et l'Union européenne sont irresponsables», a-t-il accusé.
M. de Schutter, qui succède au Suisse Jean Ziegler, a également annoncé qu'il allait demander une session spéciale du Conseil des droits de l'homme de l'ONU.
«Symboliquement, il s'agit de mettre les droits économiques et sociaux à égalité avec les droits civils et politiques (...) Le Conseil ne peut rester silencieux», a-t-il dit.