Des chercheurs américains ont identifié un parasite qui pourrait être impliqué dans le syndrome de disparition des abeilles. Jusqu'ici connue pour infester les bourdons, la mouche Apocephalus borealis est accusée de provoquer la désorganisation des ruches et la mort des abeilles parasitées. Pire, elle pourrait être le vecteur d'autres pathogènes responsables de la mort des abeilles.
En Californie et dans le Dakota du Sud, la mouche A. borealis pousse les abeilles domestiques à quitter leur ruche en les parasitant, les désoriente et provoque leur mort, selon une étude (en anglais) publiée mardi par des chercheurs californiens dans la revue PloS One.
Selon Andrew Core, du département de biologie de l'université d'Etat de San Francisco, qui a dirigé l'étude avec d'autres équipes californiennes, c'est la première fois que cette minuscule mouche, de la famille des phoridae, est identifiée comme un parasite des abeilles domestiques, alors qu'elle était déjà connue pour parasiter les bourdons. A. borealis « infecte également les abeilles, et finalement les tue. Cette mouche fait planer une nouvelle menace sur l'apiculture nord-américaine », préviennent les chercheurs américains.
D'autant plus qu'elle est suspectée de véhiculer d'autres maladies impliquées dans le tristement célèbre « syndrome de disparition des abeilles », ou « colony collapse disorder » (CCD) en anglais. Les ruches touchées se voient désertées par leurs abeilles ouvrières.
Pour autant, ce parasite pourrait aider à avancer dans les recherches visant à déterminer les causes de cette disparition massive des abeilles.
John Hafernik, professeur de biologie à l'université d'Etat de San Francisco, l'un des auteurs de la communication dans PLoS One, craint qu'il ne s'agisse d'un parasite en pleine émergence. « Il pourrait menacer l'ensemble des ruches en Amérique du Nord, surtout en raison du grand nombre d'Etats que traversent les apiculteurs professionnels avec leur ruches pour aller polliniser les récoltes », précise ce spécialiste.
L'infestation d'une ruche commence quand une mouche dépose ses œufs dans l'abdomen d'une abeille. Une fois infectées par ces parasites, les abeilles abandonnent leurs ruches pour se rassembler près de sources de lumière. « Nous avons observé que les abeilles infectées tournaient en rond, sans aucun sens de l'orientation », explique Andrew Core. « Sept jours plus tard en moyenne, jusqu'à 13 larves de cette phoridae émergent de chaque abeille morte et vont effectuer leur nymphose loin de l'abeille ».
Selon les chercheurs californiens, les abeilles qui quittent la ruche la nuit sont plus probablement parasitées par A. borealis que celles qui vont récolter le pollen durant la journée.
Par ailleurs, des analyses génétiques ont révélé que les abeilles provenant de ruches infestées sont souvent contaminées par le « wing virus », un virus qui provoque la déformation des ailes, et par Nosema ceranae, un champignon mortel pour les abeilles. Or ces deux pathogènes caractérisés comme étant impliqués dans l'apparition du CCD sont également détectés dans les larves et les adultes du phoridae parasite, « ce qui implique que cette mouche est un vecteur ou un réservoir potentiel de ces pathogènes des abeilles », constate l'étude.
Ce parasitisme pourrait toucher la survie des ruches, estiment les chercheurs. Selon leurs observations, 77 % des sites apicoles échantillonnés dans la baie de San Francisco étaient infectés par A. borealis, et les analyses d'ADN confirment leur présence dans les ruches exploitées dans le Dakota du Sud et la Vallée centrale de Californie.
« Comprendre comment se produit l'infection des abeilles par ce phoridae pourrait nous permettre de faire la lumière sur l'apparition de comportements similaires d'abandon dans les ruches touchées par le CCD », subodorent les chercheurs californiens.