Moscou a demandé à des pays des Balkans des explications sur la hausse soudaine de leurs exportations vers la Russie, notamment à la Bosnie dont les livraisons de pommes ont explosé, redoutant un contournement de son embargo frappant des produits agricoles européens dans le contexte de la crise ukrainienne, a indiqué l'AFP le 28 novembre 2014.
Augmentation des exportations...
Les exportations de la Bosnie – la cible principale de ces mises en garde – vers la Russie ont triplé en 2014.
De janvier à septembre 2014, ce pays a exporté sur le marché russe 3.123 tonnes de fruits et de légumes, contre 1.014 tonnes durant la même période en 2013, selon des chiffres fournis par les autorités russes.
La hausse des exportations a été particulièrement forte pour les pommes et les poires, avec 2.066 tonnes exportées entre janvier et octobre 2014, contre seulement 10 tonnes durant cette même période en 2013.
« L'essentiel a été exporté en septembre et octobre », soit depuis l'entrée en vigueur de l'embargo russe, a déclaré à l'AFP un responsable bosnien, Ratko Kovacevic.
... et des importations
Par ailleurs, l'importation par la Bosnie de quelque 7.000 tonnes de pommes de l'UE en septembre et octobre, contre 320 tonnes durant la même période en 2013, en dit aussi beaucoup sur ces affaires.
Depuis le début de la crise ukrainienne, l'Union européenne et les États-Unis ont introduit à plusieurs reprises des sanctions contre la Russie, qu'ils accusent d'attiser le conflit dans l'est de l'Ukraine.
La Russie a riposté en décrétant en août un embargo sur les produits alimentaires en provenance des pays qui la sanctionnent.
Moscou ne cache pas qu'il aimerait voir les pays des Balkans (qui souhaitent tous adhérer à l'UE mais n'ont pas adopté des sanctions contre la Russie) ignorer les recommandations de Bruxelles de ne pas profiter de l'embargo pour augmenter leurs exportations sur le marché russe.
Poutine encourage la Serbie à investir le marché russe
Le président russe Vladimir Poutine a même invité en octobre la Serbie – dont les exportations de produits alimentaires vers la Russie ne représentent que 0,2 % des importations russes d'aliments –, à profiter « d'un bon moment [...] pour se faire une place sur le marché russe ».
Toutefois, Moscou semble déterminé à passer au crible les livraisons en provenance des pays des Balkans, dont l'UE est le principal partenaire commercial.
Macédoine et Albanie suspectées
Dans la ligne de mire se trouvent aussi la Macédoine et l'Albanie.
La Russie exige que la Bosnie et ces deux pays – qui ne sont pas visés par l'embargo russe –, lui remettent dans les plus brefs délais des chiffres sur la production agricole en 2014.
Moscou a renvoyé récemment une vingtaine de tonnes de pommes vers la Macédoine – dont les exportations vers la Russie ont augmenté de 20 % en 2014 sur un an –, soupçonnant qu'elles étaient d'origine grecque, pays membre de l'UE.
Des répercussions sur l'agriculture bosniaque ?
Les agriculteurs bosniens, qui ont vu une chance dans l'embargo russe contre l'UE, sont inquiets et redoutent des mesures de rétorsion russes.
« Dans ces affaires de réexportation, des trafiquants vont vite gagner de l'argent et nous, les producteurs, on va en souffrir », peste Dragoja Dojcinovic, président d'une association de producteurs de fruits.
L'analyste économique bosnien Igor Gavran pense que les autorités locales doivent agir vite pour rassurer la Russie.
« Si cette situation de sanctions réciproques entre l'UE et la Russie persiste, l'année prochaine sera une excellente occasion pour nos producteurs », dit-il à l'AFP.
En Albanie, « tout a été fait dans les règles »
Soucieux de garder les portes du marché russe ouvertes, les gouvernements albanais et macédonien se sont empressés d'assurer à Moscou que les marchandises exportées provenaient bien de leurs pays.
« Les autorités russes redoutent un contournement de l'embargo [...] mais les documents que nous avons présentés devraient convaincre Moscou que tout a été fait dans les règles », a dit à l'AFP le ministre albanais de l'Agriculture, Edmond Panariti.
« Tous les pays suspects des Balkans produisent et exportent tellement peu par rapport aux besoins du marché russe que toute tentative de les utiliser comme intermédiaires sauterait vite aux yeux », explique l'économiste Svetlana Cenic.