Des centaines de Parisiens armés de cabas et de parapluies se sont pressés jeudi matin place de la Bastille, profitant de la vente de fruits et légumes au «juste prix» organisée par le Modef pour protester contre les marges «abusives» de la grande distribution.
Bravant le mauvais temps, ils ont fait une heure de queue pour des tomates à 1,5 euro le kilo, des prunes à 1,30 euro ou des nectarines à 2 euros proposées par le syndicat, qui a apporté 60 tonnes de fruits et légumes du Lot-et-Garonne jusqu'en région parisienne.
Beaucoup profitent de l'aubaine pour faire des réserves: Andrée, retraitée qui habite le quartier, en a «bien 20 kilos» dans son cabas à roulette, «de quoi nourrir toute une famille de l'entrée au dessert».
Mais l'opération, organisée depuis huit ans, vise surtout à dénoncer «la situation de crise que subissent les producteurs, qui doivent vendre sous les prix rémunérateurs», parce que «si ça continue comme ça, on va disparaître», explique Raymond Girardi, secrétaire général du Modef.
Avec les autres militants, il a quitté le Sud-Ouest mercredi soir et fait la route de nuit afin de «rencontrer les consommateurs pour établir un combat commun contre la grande distribution, qui fait des marges abusives».
Eric, agriculteur à Marmande, explique qu'il doit vendre ses concombres 20 centimes alors qu'ils sont revendus un euro pièce au supermarché. Pourtant, ils lui reviennent à 45 centimes: «On est la seule profession autorisée à vendre à perte», se désole-t-il.
Autre problème pour les agriculteurs: l'importation. «Si on refuse de vendre nos tomates à 50 centimes le kilo, ils les font venir du Maroc ou de Pologne», dit M. Girardi.
Un message bien reçu par les consommateurs: Maude, venue du Bourget (Seine-Saint-Denis) faire le plein de melons, pommes et tomates, veut acheter «ce qui vient de France», parce «qu'on sait que ce sont des bons produits». Elle est plus dubitative sur la qualité des produits espagnols, qui «ont voyagé».
Pour Jean, qui repart les bras chargés, c'est l'occasion de «faire quelques économies» et de profiter de fruits et légumes avec un «goût différent».
Beaucoup pressent les militants du Modef d'organiser des ventes plus souvent. Mais «ces opérations ne peuvent être que ponctuelles», tempère le secrétaire général du mouvement.
La solution, ce serait plutôt de «légiférer pour encadrer les marges de la grande distribution» et de rétablir le «coefficient multiplicateur», un mécanisme limitant la différence entre les prix d'achat et de vente des produits agricoles, selon Raymond Girardi.
Pour Jacques Daguenet, conseiller PCF de Paris venu tracter aux côtés du Modef, «il faut travailler à remettre à plat le circuit de distribution, avec en particulier ces centrales d'achat qui se font un fric dingue».
Il veut rompre avec un système où «il y a d'un côté des consommateurs qui ne peuvent plus acheter à cause des prix et de l'autre des producteurs qui perdent de l'argent».
La vente directe, également organisée dans plusieurs villes d'Ile-de-France, devait se terminer vers midi, après épuisement du stock. «Il n'y en aura pas pour tout le monde», prévoit Eric.