Les députés français examinent le mardi 10 mai 2011 une proposition de loi de l'UMP qui va interdire la technique contestée de la fracturation hydraulique pour explorer et exploiter gaz et huiles de schiste, mais le texte ne dissipe pas totalement les inquiétudes d'écologistes et de citoyens très mobilisés depuis cinq mois.
Après avoir d'abord commandé une étude, les pouvoirs publics sont rapidement passés à la vitesse supérieure avec un texte d'initiative parlementaire examiné en « urgence » et présenté par le président du groupe de l'UMP et député de la Seine-et-Marne, Christian Jacob.
« Nous sommes là sur un sujet où le principe de précaution doit s'appliquer », martèle Christian Jacob pour justifier l'empressement du Parlement. La mission d'information lancée sur le sujet rendra même ses conclusions après coup, puisqu'elle doit le faire le 8 juin 2011.
La dernière mouture du texte, adoptée en commission le mercredi 4 mai 2011, condamne expressément la technique dite de « fracturation hydraulique », qui consiste à injecter de l'eau et des produits chimiques dans le sous-sol pour briser la roche et libérer le gaz. Selon les écologistes, cette méthode, utilisée notamment aux Etats-Unis, est très polluante pour les nappes phréatiques.
« Comité de surveillance », « motion parlementaire »... les parlementaires ont relayé depuis février la fronde venue du terrain.
Le bureau de l'Assemblée a même un temps été embouteillé par pas moins de trois propositions de loi.
Pour le député Jean-Paul Chanteguet (PS), corapporteur de la proposition Jacob, le texte est un « compromis ». Il « se félicite que les politiques aient repris le dossier » et réfute toute précipitation.
Les permis en cours, trois pour le gaz (sud) et trois pour l'huile (Bassin parisien), seront abrogés dès lors que leurs titulaires auront précisé – dans les deux mois suivant la publication de la loi – qu'ils utilisent la méthode interdite de fracturation hydraulique.
Mais cette nouvelle rédaction de l'article ne satisfait pas le député Yves Cochet (député Europe Ecologie-Les Verts – EELV), qui y voit un « tour de passe-passe » pour calmer « une révolte populaire ». Selon lui, les industriels contourneront l'obstacle en déclarant une autre technique.
L'organisation écologiste France Nature Environnement (FNE) a également fait part de son inquiétude. Elle déplore en outre la disparition d'un article du projet de loi qui prévoyait une enquête publique avant toute délivrance de permis exclusif de recherches. « Cet article a été supprimé au motif qu'une ordonnance reprendra l'ensemble du code minier », explique FNE.
Dans son texte, le PS prônait l'interdiction de l'exploitation et de l'exploration quelle que soit la technique, a rappelé Jean-Paul Chanteguet.
Les trois seuls articles de la proposition de loi et leurs amendements seront de toute façon scrutés à la loupe, mardi. Dès 11 heures, à l'appel de l'eurodéputé José Bové (EELV), chef de file de la contestation, une manifestation se déroulera devant l'Assemblée, en présence notamment de Nicolas Hulot. Le vote solennel du texte interviendra mercredi.
Le samedi 7 mai 2011, à Villeneuve-de-Berg (Ardèche), 2.500 personnes se sont rassemblées en soutien aux maires ardéchois dont les arrêtés antigaz de schiste ont été attaqués au tribunal administratif par l'industriel américain Schuepbach Energy, ont indiqué la préfecture et les organisateurs.
« Les citoyens font bloc derrière leurs élus contre les gaz de schiste et même si nous étions moins nombreux qu'en février (10.000 manifestants, NDLR), nous restons très mobilisés et très méfiants », a expliqué Guillaume Vermorel, initiateur du comité ardéchois contre les gaz de schiste et présent à Villeneuve.
Les opposants craignent que le gouvernement ne « joue la montre jusqu'aux élections présidentielles et législatives » et autorise ensuite l'exploration, a précisé Guillaume Vermorel.