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Lait 

Des clauses pernicieuses dans les contrats

Publié le vendredi 01 avril 2011 - 15h24

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Cette première analyse des propositions de contrats de 5 groupes industriels a été réalisée par les journalistes de L'Eleveur laitier et sera publiée dans le numéro du mois d'avril du mensuel. A titre exceptionnel, nous publions cet article en avant première, dans son intégralité.

 

Les industriels privés viennent d'envoyer des propositions de contrat à leurs livreurs. À lire attentivement pour ne pas passer à côté de quelques mauvaises surprises...

 

A première vue, les contrats ne comprennent rien de bien inquiétant. De nombreux points se réfèrent au Guide de bonnes pratiques contractuelles du Cniel et aux réglementations en vigueur. C'est le cas pour la qualité du lait, les conditions de collecte ou la fixation des volumes jusqu'en 2015.

 

La durée du contrat est fixée à cinq ans, comme prévu, avec un préavis de douze mois. Par la suite, les contrats seront renouvelés tacitement (sauf Danone) pour une durée indéterminée. Senoble fait exception, avec une reconduction par périodes de cinq ans. « Cette proposition de contrat a une vertu pédagogique. Nous sommes prêts à en discuter avec les organisations de producteurs », indique Bongrain.

 

La proposition de contrat est valide six mois chez Lactalis et Bel, sept mois chez Danone. Ce qui laisse peu de chance aux groupements de producteurs de s'organiser pour négocier. Tout semble fait pour inciter les signatures individuelles. Lactalis prend soin de préciser que pour ceux qui ne signeront pas, la relation contractuelle actuelle se poursuivra pour une durée indéterminée. Ce qui signifie qu'elle pourrait cesser à tout moment sous réserve de respecter un délai de préavis.

 

La plupart des industriels proposent un contrat identique à tous les livreurs, au moins à l'échelle d'un bassin de livraison.

 

Danone se distingue en imposant les prix et volumes différenciés dès à présent. Le volume A se situera entre 95 et 105 % de la référence de l'année 2010, « selon les besoins de l'entreprise ».

 

 

Les volumes après 2015 : le quota de l'éleveur reste partout une référence


Bel propose une révision du contrat pour les éleveurs ne produisant pas 90 % de leur référence à partir de la campagne 2013-2014. Pour l'après-2015, il prévoit une rencontre avec les représentants des éleveurs un mois avant la fin de la campagne 2014-2015 afin de déterminer les modalités de gestion des volumes et, éventuellement, l'impact sur le mode de fixation du prix.

 

Chez Danone et Lactalis, ceux qui ne produiront pas 85 % de leur référence, en moyenne, sur deux ans verront leur volume contractuel révisé à la baisse.

 

Bongrain va se baser sur un plan de production trimestriel et ne se sent pas tenu de collecter au-delà du volume contractualisé. Cette entreprise prévoit aussi la possibilité d'une révision momentanée à la baisse en cas d'événement majeur (aléa sanitaire ou climatique pour l'éleveur, perte de marché correspondant au moins à 20 % de la collecte pour l'industriel).

 

Bel envisage de répartir le volume annuel contractuel avec des objectifs sur des périodes d'un mois au minimum.

 

Chez Danone et Senoble, la régularité des livraisons est une priorité : les livraisons mensuelles ne peuvent pas être inférieures à 5 % du volume annuel, sous peine d'un constat de « manquement au contrat ».

 

 

Prix : les choses deviennent franchement floues

 

Les industriels commencent tous par faire référence aux indices publiés par le Cniel et les Criel. Mais la plupart jugent bon d'insister sur la nécessité d'aboutir à un prix cohérent avec « l'environnement concurrentiel », sans préciser de quoi il s'agit.

 

Certes, des nuances existent entre industriels. Lactalis et Bongrain invoquent ce principe dans une clause de sauvegarde qui sera activée en l'absence de publication d'indice Cniel ou Criel.

 

Bongrain évoque l'application d'un « correctif » à convenir entre les deux parties, pour faire face à ce genre de situation.

 

Bel adopte une position plus dure. Il s'autorise des ajustements s'il juge les indices Cniel décalés de la réalité des marchés ou si leur mode de calcul évolue de façon substantielle.

 

Senoble va s'appuyer sur des indices propres au marché des produits frais en cas d'absence de publication par le Cniel. Cette entreprise se démarque, en envisageant la mise en place d'un système de prix différenciés après 2015.

 

Pour Danone, le prix B pourra tenir compte des coûts de transport. Nul doute que ces dispositions laissent la place à des dérives. La relative homogénéité des prix payés à l'ensemble des producteurs, si chère au syndicalisme, pourrait bien avoir du plomb dans l'aile.

 

 

Pénalités de dépassement : les choses se corsent vraiment

 

Quand le système actuel des taxes fiscales affectées disparaîtra en 2015, ou éventuellement avant, si le ministère des Finances le décide, ou si le montant de ces taxes est réduit, Lactalis et Bel imposeront une pénalité de dépassement d'environ 287 €/1.000 l.

 

Bongrain instaure aussi un principe de pénalités de dépassement en précisant que le calcul sera basé sur celui des taxes fiscales actuelles (montant actuel 287 €/1.000 l).

 

Même préoccupation chez Senoble qui évaluera cette pénalité en fonction des coûts de transformation et de transport du lait.

 

Danone se laisse deux options : ne pas collecter le lait au-delà du volume contractuel ou le pénaliser à hauteur de 130 % du prix A de l'année en cours. Cela ressemble globalement à un système de volumes et prix différenciés qui ne dit pas son nom.

 

Ces dispositions sont choquantes quand on sait que les entreprises auront valorisé ce lait, au moins au niveau des produits industriels, et que les pénalités iront directement dans leurs poches !

 

Lactalis précise néanmoins que ce montant constitue un plafond. L'entreprise se réserve le droit de l'actualiser chaque année, voire d'autoriser la production d'un certain volume en franchise de pénalités. En clair, elle limite sa collecte après 2015 au niveau des quotas, tout en gardant la possibilité de l'augmenter ponctuellement en fonction de ses besoins.

 

Au regard de ces dispositions, le système de double prix des coopératives apparaît finalement assez souple et aussi plus juste.

 

Primes : Lactalis ne mentionne pas de primes à la qualité propres à l'entreprise, alors qu'elles pouvaient exister jusque-là. Danone, Bongrain et Senoble évoquent leurs primes « maison ». Bel annonce le versement d'un complément de prix annuel, réservé en priorité à ceux qui adhèrent au contrôle laitier ou à une démarche de qualité maison, ceux qui livrent un lait de qualité en privilégiant les livraisons d'été.

 

Modalités de paiement : on remarque quelques nouveautés sur ce point mais, là aussi, les laiteries suivent les évolutions réglementaires.

 

Désormais, les éleveurs connaîtront le prix chaque mois, avant la première livraison. Bongrain et Lactalis paieront le lait par décade dans les trente jours (les 10, 20 et 30 du mois suivant). Les producteurs Bel ont obtenu de percevoir un acompte correspondant à la première décade le 10 du mois suivant, le solde étant versé le 20. Danone paiera le 10 du mois suivant.

 

Les laiteries demandent aux éleveurs de leur signer un mandat de facturation, ce qui laisse penser qu'elles souhaitent avoir la main sur la gestion des volumes.

 

Au passage, les industriels introduisent quelques contraintes supplémentaires, telle l'obligation de respect de la charte des bonnes pratiques agricoles (Bongrain, Danone, Lactalis et Bel). Danone y rajoute l'adhésion à sa propre charte. Chez Senoble, si ce respect n'est pas exigé dans l'immédiat, il est clairement écrit que les éleveurs qui ne s'y engagent pas s'exposent à une suspension de la collecte à l'avenir.

 

 

D'autres clauses interpellent

 

Chez Danone et Lactalis, la collecte cessera immédiatement si le lait livré n'est pas exclusivement produit sur l'exploitation par le producteur signataire. Ou encore concernant le local de stockage du lait, la plupart des laiteries se bornent à rappeler la nécessité de respecter les réglementations, tandis que Lactalis fait référence à ses propres recommandations.

 

Enfin, la grève du lait n'a visiblement pas plu aux industriels qui imposent donc une livraison régulière et sans interruption (Lactalis, Bongrain). D'autres précisent que la collecte sera suspendue si le volume dans le tank est inférieur à 100 l.

 

 

Transmission du contrat : les modalités représentent un point important

 

Pour Lactalis, Senoble et Bel, le producteur n'a pas le droit de céder son contrat à un tiers sans l'accord de l'entreprise. À l'inverse, Bongrain prévoit la poursuite du contrat dans les mêmes conditions si l'éleveur cède son exploitation à un tiers. Cette entreprise précise aussi qu'en cas d'adhésion de l'exploitation à une OP qui négocierait un autre contrat, ce dernier se substituerait à la première proposition de l'entreprise. Danone rejoint cette position alors que les autres industriels n'envisagent pas cette éventualité.

 

Concernant la résiliation anticipée des contrats, elle est systématiquement prévue en cas de non-respect de ses obligations par l'une des deux parties. Lactalis rajoute la possibilité d'une résiliation de plein droit en cas « d'atteinte volontaire portée à l'image de l'autre partie ». Senoble précise qu'en cas de défaillance de l'entreprise (déconfiture, redressement judiciaire), le contrat sera résilié sans préavis ni indemnité. Pour Danone, le non-respect du contrat pour une raison de force majeure peut justifier une résiliation au-delà d'un mois.

 

Enfin, si les adhérents des coopératives n'ont pas à signer de contrat, leurs représentants auront à approuver, si ce n'est déjà fait, les nouveautés du règlement intérieur qui doit se mettre en conformité avec le décret du 30 décembre 2010 imposant la contractualisation. Pour Sodiaal et Laïta, ce nouveau règlement officialise dans la durée le principe des prix et volumes différenciés.

 

 

A télécharger :

 

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Pascale Le Cann et Claire Hue


Les commentaires de nos abonnés (1)
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LE JUS DE BOUDIN

vendredi 01 avril 2011 - 21h37

L'agriculteur producteur de lait est le premier maillon de la filière. Il revient donc aux paysans d'imposer leurs règles et non l'inverse. Pas besoin de ministre ni de paperasserie pour gérer ces problèmes...Croyez vous que les producteurs de pétrole lèvent le petit doigt pour avoir vu augmenter le prix du baril de +60% en 1 an. Cela démontre une fois de plus la dépendance des agriculteurs menés durant des décennies par le bout du nez dans les complaintes permanentes... Avant de signer des contrats, il faut qu'ils soient établis et proposés par les producteurs... les contrats découlent-ils d'une véritable demande des producteurs ??? les producteurs attendent des prix pour vivre dignement de leur métier...
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