Les propositions présentées jeudi par la Commission européenne concernant la contractualisation dans la filière laitière ont suscité des réactions plutôt contrastées des professionnels (Copa-Cogeca, Via Campesina) et des eurodéputés.
Le Copa-Cogeca (organisations agricoles et coopératives de l'UE) a « salué », dans un communiqué, le projet du commissaire européen à l'Agriculture, Dacian Ciolos.
« Nous nous réjouissons de ce que la Commission ait présenté une proposition législative concernant les règles en matière de négociation collective et ait précisé les conditions minimales applicables à un contrat », a déclaré Henri Brichart, président du groupe de travail Lait et produits laitiers du Copa-Cogeca.
« Cette proposition devrait être développée sur une base volontaire et nous exhortons les eurodéputés et les ministres européens de l'Agriculture à ne pas limiter les possibilités de négociation accordées aux agriculteurs, afin qu'ils puissent tirer de meilleures recettes du marché », a-t-il ajouté.
Le secrétaire général du Copa-Cogeca, Pekka Pesonen, a cependant affirmé que « les outils de gestion des marchés européens, tels que l'intervention, restent les instruments les plus efficaces pour aider à faire face aux crises sur le marché européen. Ces mesures doivent être maintenues et améliorées afin de protéger les agriculteurs face à l'extrême volatilité du marché, d'accroître leur efficacité et de garantir une production laitière durable et compétitive en Europe ».
La FNSEA et la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) ont estimé que les propositions de la Commission européenne pour renforcer le pouvoir des producteurs laitiers constituent une « avancée fondamentale », selon un communiqué.
Elles « se félicitent de la prise en compte par la Commission de leurs demandes pour rééquilibrer les relations commerciales entre producteurs et transformateurs, et du relais assuré par (le ministre de l'Agriculture) Bruno Le Maire dans ce dossier ».
Rappelant que « le projet présenté par la Commission reprend leurs demandes », les syndicats soulignent qu'il est le fruit d' « un travail de fond en faveur du secteur laitier», mais qu'il «doit bien évidemment se poursuivre dans les prochains mois ».
Du côté de la Coordination européenne Via campesina, dont la Confédération paysanne et le Modef sont membres, la réaction aux propositions de la Commission a été plus défavorable.
« Confier un secteur laitier dérégulé aux laiteries, interprofessions et groupements de producteurs ne va pas résoudre la crise de la production laitière qui perdure. Les producteurs ont d'abord besoin d'une politique publique européenne forte, qui régule production et marché, et dynamise les régions à vocation agro-climatique laitière », explique l'organisation, dans un communiqué.
« Un groupement de producteurs n'aura pas de poids face à l'industrie/grande distribution tant que la production sera dérégulée et les prix dépendant d'un marché international déterminé par une toute petite partie de la production », estime Via campesina.
« Les énormes coopératives, qui dépassent les frontières nationales, souvent ne paient pas mieux leurs producteurs que les laiteries privées. Non concernées par les contraintes proposées pour les groupements de producteurs au nom de la concurrence, elles vont maintenir leur situation d'oligopole ou de monopole. La proposition risque de mettre à mal les petites coopératives », poursuit-elle.
« Quant aux interprofessions, l'exemple de l'Espagne et de la France montrent qu'elles n'ont pas empêché la crise laitière », ajoute Via campesina.
Pour la Coordination rurale et sa branche lait, l'OPL, les propositions de la Commission européenne sont un « remède placebo », ont estimé vendredi les deux organisations, soulignant qu'elles « éludent la question essentielle de la régulation de la production » laitière.
Le syndicat minoritaire ajoute, dans un communiqué, que les contrats entre producteurs et laiteries, dont Bruxelles a proposé l'autorisation, « ne peuvent qu'asservir un peu plus les éleveurs », s'ils sont mis en place dans un marché dérégulé.
« Une meilleure adéquation entre l'offre et la demande est bien le préalable essentiel », écrivent encore la CR et l'OPL qui manifestent leur « grande déception » face à ce qu'elles qualifient d'« oubli ».
La Commission européenne a proposé d'autoriser les producteurs laitiers à créer des « cartels » limités d'organisations de producteurs pour négocier collectivement les prix à l'avance.
Ces « cartels de producteurs limités en taille ne pourront pas contrebalancer le poids des leaders de la transformation laitière », estime encore la CR.
Par ailleurs, les membres de la commission Agriculture du Parlement européen ont généralement bien accueilli les propositions de la Commission européenne, selon un communiqué. Plusieurs eurodéputés ont néanmoins souligné qu'un des problèmes les plus importants est la volatilité des prix sur le marché laitier. Ils ont également estimé que les propositions sur l'organisation des producteurs ne vont pas assez loin.
José Bové, le vice-président de la commission Agriculture du Parlement a jugé que « renforcer le pouvoir de négociation des producteurs de lait face aux industries de transformation et à la moyenne et grande distribution en est l'annonce la plus intéressante ».
« Par contre, le dispositif ''d'offre organisée'', ainsi que les conditions de livraison proposées aux producteurs de lait, sont fixés à un niveau si bas que leurs effets seront d'une portée beaucoup trop limitée pour être véritablement efficaces ».
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