L'arrivée du maïs transgénique divise au Paraguay, avec en arrière-fond le souvenir du boom du soja OGM, devenu le moteur de l'économie de ce petit pays sud-américain mais aussi le catalyseur du conflit pour la terre.
La culture de maïs transgénique n'est pas autorisée au Paraguay. Pourtant, des contrôles effectués depuis le début d'août par les « gendarmes » du Service national de la santé végétale (Senave) ont révélé que 20 % des plants testés étaient génétiquement modifiés.
En représailles contre les producteurs fautifs, 86 hectares de plantations transgéniques ont été détruits. C'est peu, car on estime à 100.000 hectares la surface plantée en maïs OGM au Paraguay. Mais le but est « pédagogique ».
« Les graines sont entrées illégalement et on ne peut pas l'accepter. Nous devons d'abord faire des essais pendant deux ans », martèle Miguel Lovera, le président du Senave.
La polémique porte sur la possible contamination des variétés locales, qui sont la base de l'alimentation et de la production des petits paysans, dans un pays rural à 45 %.
« Le potentiel de contamination des variétés traditionnelles par le génome transgénique est très élevé en raison de la profusion de pollen produit par les plants de maïs », explique Miguel Lovera.
En face, des producteurs font pression pour que les essais soient lancés sur les variétés RR, résistantes à un herbicide, et BT, résistantes à des insectes. Pour eux, ces variétés permettent une plus grande productivité à l'hectare.
« Nous souhaitons qu'ils les autorisent comme l'ont fait l'Argentine et le Brésil pour produire plus pour le pays, exporter davantage », assure Diedrich Hildebrand, de l'association Aproagro, dans la région de Caaguazu.
Ce que veulent éviter les autorités, c'est le précédent du soja. « Ce fut une mauvaise expérience. Il est entré et tout d'un coup il y avait plein de soja transgénique, donc le gouvernement a pris l'initiative d'autoriser ses essais et son utilisation », se rappelle Alberto Romero, ingénieur du Senave.
La surface cultivée de soja est passée de moins d'un million d'hectares en 1996 à près de 2,7 millions aujourd'hui, à plus de 70 % transgénique. Le Paraguay est devenu le quatrième exportateur mondial, notamment vers l'Europe.
Comme dans les autres pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay), « l'or vert » tire l'économie paraguayenne vers le haut. Le PIB a augmenté de 10,9 % au premier trimestre en glissement annuel grâce aux exportations agricoles, selon la Banque centrale.
Mais selon des experts et des associations paysannes, la progression du soja transgénique s'est accompagnée d'une « dégradation des sols » et de « l'expulsion » de petits paysans, dans ce pays où l'on estime déjà que 80 % des terres sont aux mains de 2 % de la population.
Un petit paysan, qui tente sa chance en plantant du soja RR peut se retrouver obligé de vendre son lopin. « Il s'endette pour acheter semences, machines, produits pour contrôler les maladies. C'est un paquet blindé par les multinationales. Il peut faire une bonne récolte la première année, mais quand il y a une sécheresse ou que la terre commence à souffrir des effets de l'herbicide, le paysan entre dans un processus de pertes qui provoque son expulsion », explique le chercheur Daniel Campos, de la Société d'études rurales (SER).
« Les terres sont de plus en plus concentrées dans les mains de peu de personnes », constate le dirigeant paysan Jorge Galeano.
Résultat : de plus en plus de petits producteurs migrent vers les villes ou rejoignent les bataillons des 100.000 familles sans terres.