La France a refusé, vendredi, le troc proposé par la Commission européenne pour débloquer les cultures d'OGM et lui a demandé de revoir sa copie, exigeant un renforcement des analyses des risques avant toute autorisation.
Soumis à d'intenses pressions de la part des industriels, inquiet du blocage des autorisations, et fragilisé par les conflits avec les gouvernements européens, le président de la Commission José Manuel Barroso a proposé de leur rendre la liberté d'interdire les cultures d'OGM sur leur territoire.
Mais en échange, il espère obtenir plus de facilités pour autoriser les mises en culture réclamées par les multinationales.
La France a douché les espoirs de M. Barroso et semé le doute sur les chances de survie de cette proposition.
« Pas question de troquer la subsidiarité (davantage de pouvoir de décision aux Etats membres, NDLR) contre l'absolue exigence d'un rehaussement des expertises », a annoncé le ministre de l'Environnement, Jean-Louis Borloo, à son arrivée à Luxembourg pour une réunion avec ses homologues.
Greenpeace a émis les mêmes requêtes. « La Commission a le devoir de vérifier les risques que peuvent présenter les OGM pour la santé et l'environnement et tant que cela n'est pas fait, aucun OGM ne doit être autorisé en Europe », a soutenu un de ses représentants, Stefanie Hundsdorfer, dans un communiqué.
L'eurodéputé français José Bové (Verts), pourfendeur des OGM, a pour sa part dénoncé « un marché de dupes » avec cette proposition de renationaliser les décisions sur la culture et a jugé « scandaleuse la tentative de passage en force de M. Barroso ».
La France insiste pour que la Commission européenne donne suite à une demande faite « à l'unanimité » par les 27 pays de l'UE, en décembre 2008, de « revoir complètement les méthodes d'évaluation qui aboutissent ou non aux autorisations » pour la commercialisation et la culture des OGM.
« A l'époque, cela voulait clairement dire qu'aucune autorisation ne pouvait être donnée dans les conditions actuelles », a insisté Jean-Louis Borloo. « J'attends que la Commission nous dise où on en est », a-t-il annoncé.
Or la Commission est passée outre. Elle a donné son accord en février pour la mise en culture d'Amflora, la pomme de terre OGM de BASF, malgré l'opposition de nombreux pays.
Et le projet de proposition préparé par le commissaire à la Santé, John Dalli, pour tenter de débloquer les autorisations de culture d'OGM, ne comporte aucune disposition concernant un renforcement des expertises, actuellement confiées à l'EFSA, l'agence européenne pour la sécurité alimentaire.
« L'EFSA est compétente en matière de sécurité alimentaire, pas pour les questions d'environnement. Ses expertises sont limitées et elles reprennent une bonne part des argumentaires fournis par les entreprises. Or nous voulons une expertise crédible, qui rassure l'opinion publique », explique-t-on de source française.
Les demandes françaises sont partagées par la présidence espagnole de l'UE. « Tout renforcement est le bienvenu. Il faut améliorer le processus et le faire rapidement », a déclaré la ministre de l'Environnement et de l'Agriculture espagnole, Elena Espinoza.
Jean-Louis Borloo cherche à rallier d'autres soutiens pour contraindre la Commission à modifier sa proposition, qui doit être présentée le 13 juillet 2010.
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