« Monsanto ne peut interdire la commercialisation dans l'Union européenne (UE) de la farine de soja argentine contenant, à l’état de résidu, une séquence d'ADN » conférant à la plante cultivée une résistance au glyphosate, même si elle l'a breveté en Europe.
C'est la conclusion rendue mardi par la Cour de justice de l'UE dans l'affaire qui oppose le géant américain à des sociétés européennes auxquelles il reproche d'avoir importer en 2005 et 2006 aux Pays-Bas des lots de farine contenant des traces de l’ADN caractéristique de son « soja RR ».
« Un brevet européen ne peut être invoqué qu'à l'égard d'une invention exerçant effectivement la fonction pour laquelle elle est brevetée », a insisté la Cour de justice européenne dans son communiqué du 6 juillet 2010, reprenant l'argument avancé par l'avocat général M. Paolo Mengozzi au début de mars.
Le Rechtbank's-Gravenhage (Tribunal de La Haye, Pays-bas), saisi par Monsanto, avait interrogé la Cour de justice sur la question de savoir si la seule présence de la séquence d'ADN protégée par un brevet européen suffit pour constituer une atteinte au brevet de Monsanto lors de la commercialisation de la farine dans l'Union européenne.
La Cour a constaté que « la directive relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques (1) subordonne la protection conférée par un brevet européen à la condition que l’information génétique contenue dans le produit breveté ou constituant ce produit exerce actuellement sa fonction dans cette matière même ».
La fonction de la séquence d'ADN protégée « ne peut plus être exercée lorsque celle-ci se retrouve à l'état de résidu dans la farine de soja, laquelle est une matière morte obtenue au terme de plusieurs opérations de traitement du soja, écrit la Cour de justice. En conséquence, la protection conférée aux brevets européens est exclue lorsque l'information génétique a cessé d'exercer la fonction qui était la sienne dans la plante initiale dont elle est issue ».
Elle précise également qu'une telle protection « ne saurait être accordée au motif que l'information génétique contenue dans la farine de soja pourrait éventuellement exercer de nouveau sa fonction dans une autre plante. En effet, à cette fin, il serait nécessaire que la séquence d'ADN soit effectivement introduite dans cette autre plante pour qu’une protection au titre du brevet européen puisse naître à l'égard de celle-ci », indique la Cour.
Par conséquent, « Monsanto ne peut interdire, sur la base de la directive, la commercialisation de la farine de soja en provenance de l'Argentine contenant son invention biotechnologique à l’état de résidu », conclut-elle.
La Cour relève enfin que « la directive s'oppose à une règle nationale accordant une protection absolue à une séquence d'ADN brevetée en tant que telle, qu'elle exerce ou non la fonction qui est la sienne dans la matière la contenant ». Elle explique que les dispositions de la directive prévoyant le critère de l'exercice effectif de cette fonction constituent une « harmonisation exhaustive de la matière » dans l'Union européenne.
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(1) Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.
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