Pneus incendiés dégageant des volutes de fumée noire, canons à oiseaux, embouteillages, le passage des irrigants dans la ville de La Rochelle n’est pas passé inaperçu lundi. Ce folklore agace les citadins au point, peut-être, de desservir la cause défendue. Pourtant, la colère est bien là mais a du mal à se faire entendre, tant par le grand public que par les élus et l’Administration.
Depuis dix ans en effet, les irrigants du Poitou-Charentes ont accepté de voir les volumes d’eau attribués à l’irrigation se réduire de façon draconienne. En contrepartie, ils ont monté des projets de réserves de substitution censées leur permettre de stocker l’hiver l’eau dont ils ont besoin l’été.
Mais ces projets sont attaqués systématiquement par des associations d’opposants qui, en multipliant les recours, finissent par obtenir gain de cause devant les tribunaux. Les irrigants se sentent abandonnés des pouvoirs publics.
Depuis un an, ils ont construit des propositions dont le message essentiel est le suivant : « Nous acceptons de baisser les prélèvements dans le milieu naturel si des réserves sont aménagées. » A la demande du préfet de Région, des dossiers ont été établis pour chaque bassin versant de la Charente-Maritime recensant les volumes nécessaires.
« Nous n’avons eu aucune réponse », déplore Luc Servant, président de la chambre d’agriculture de la Charente-Maritime, « si ce n’est celle de continuer à réduire les volumes accordés. » Dans certains bassins, les irrigants ont déjà perdu plus la moitié des volumes dont ils disposaient il y a dix ans. Par voie de conséquence, le département a vu sa sole de maïs diminuer de 15.000 hectares.
Depuis plusieurs mois, leurs manifestations se sont multipliées à travers les quatre départements de la région : interruptions de réunions sur les usages de l’eau, refus de rencontrer l’Administration sur la seule question de la réduction des volumes, manifestations de rue…
La semaine dernière, ce qu’ils considèrent comme un nouveau camouflet a fait encore monter la tension : alors que, dans les régions Midi-Pyrénées et Aquitaine, les volumes d’irrigation pour cet été sont les mêmes qu’en 2009, dans le Poitou-Charentes, en revanche, une restriction supplémentaire vient d’être annoncée.
Une délégation a été reçue à la DDTM. Mais a-t-elle été entendue ? Dans le cas contraire, la situation économique des exploitations est telle que les dirigeants agricoles sont inquiets sur la réaction de la base : « Les irrigants feront le choix de sauver leurs exploitations, leurs productions, plutôt que d’obéir à une réglementation qui est dénuée de bon sens, malgré les nombreuses demandes que nous avons faites. »
Emploi et valeur ajoutée
Lors de la manifestation rochelaise, Luc Servant, président de la chambre d'agriculture de la Charente-Maritime, a rappelé les 3.000 emplois directs et indirects liés à l’irrigation dans le département. Il a aussi énuméré les différentes utilisations de cette eau : maïs, orge de brasserie, pois, luzerne, melon, tabac, haricot vert… « L’irrigation permet d’éviter l’agrandissement des exploitations en donnant de la valeur ajoutée et en maintenant sur place la main-d’œuvre. » |
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